NOTRE MAISON TOUJOURS EN FEU

Par Florence Forest-Bérubé

Je cède aujourd’hui l’espace de mon blogue à ma fille Florence, 30 ans.
Je suis touché par son texte et très fier d’elle.

Jacques Bérubé

En 2019, Greta Thunberg nous mettait en garde: OUR HOUSE IS ON FIRE. Nous avons réagi. Fortement. Brièvement. Comme trop souvent! Nous nous sommes dit: ça y est, les choses vont changer. Puis, Noël est arrivé. On a acheté des cadeaux, on les a emballés, puis déballés, on a « recyclé » pour se donner bonne conscience, puis, on a fait le virage vers 2020.

Que restait-il alors du feu? Il était pris partout en Australie. Alors, on s’est donné une nouvelle mission. Sauvons les koalas, les kangourous et tous les autres. Ça a duré quelques semaines ça aussi. Je suis certaine que plusieurs d’entre vous, comme moi, avez regardé avec tristesse les vidéos d’un des plus beaux pays du monde, ravagé par les flammes. Vous avez sûrement donné quelques dollars à des groupes d’aide aussi. Combien d’entre nous se sont rappelé les paroles de Greta Thunberg à ce moment-là? Peu… Si peu. Et pourtant, le lien pouvait difficilement être plus évident.

Depuis le mois de février, on suit les nouvelles en Chine. Le coronavirus. Ouf… Pauvre peuple chinois, décimé par un virus dont on ignore tout. Et ils sont pris à la maison. Salut Bonjour interviewait des étudiants canadiens pris dans leurs résidences à Wujan. Ils avaient hâte de rentrer à la maison.

But what we all forgot was that… our house was STILL on fire.

Ce qui se passait chez nos voisins chinois, italiens et espagnols a cogné à notre porte il y a quelques jours. Le monde entier est maintenant aux prises avec une pandémie. Si ce n’était que de nous, ça durerait deux semaines. Et comme le reste, on l’oublierait. Mais vous commencez, comme moi, à vous rendre compte que ça va durer plus longtemps que ça. On commence à avoir peur pour nos enfants, pour nos parents, nos collègues. On s’ennuie de nos patrons. Ils ne sont pas toujours commodes, mais les salutations à la machine à café, c’est un bon carburant pour partir la journée.

Alors, on est solidaires, on est beaux, on est grands. Un premier ministre provincial qui devient un véritable chef d’État; des médecins spécialistes qui abandonnent leurs spécialités pour revenir aux soins intensifs, en première ligne, pour aider leurs collègues; des infirmières qui, une fois de plus, acceptent des heures supplémentaires, qui se préparent pour la crise. Des centaines de milliers de parents qui sont à la maison avec leurs enfants, qui leur expliquent ce qui se passe, alors qu’eux mêmes ne comprennent pas. Des professeurs privés de leurs classes, des élèves privés de leurs compagnons, et parfois, malheureusement, d’une pause de la maison. Les gens restent à la maison, les artistes se tournent vers les médias sociaux pour divertir les gens. Des milliers d’entrepreneurs, restaurateurs, éducateurs, artistes, professionnels de la santé se retrouvent sans travail. Tout ça pour notre sécurité. On tente à tout prix de les aider. Oui, on est solidaires, on est beaux, on est grands. Nous allons assurément ressortir gagnants.

Pendant ce temps, la Terre prend un moment de repos, un répit de notre folie. Plus d’avions, plus de pollution, plus de surconsommation… Je nous souhaite de ressortir grandis de cette expérience traumatisante. D’apprendre. Qu’il y ait un avant et un après. Qu’on ne rallume pas le feu qu’un autre drame est en train d’éteindre. Parce que nous avions déjà oublié qu’il fallait le faire. Moi la première.

Florence Forest-Bérubé
florenceforestberube@gmail.com