Salut et merci pour tout, Pierre Foglia

J’ai retrouvé, avec joie, ce texte que j’avais écrit en août 2002, à Carleton-sur-Mer, pendant le symposium de création in situ H2O Ma Terre, pour ma chronique Le Stylo sauvage, qui paraissait alors dans le journal Le Mouton NOIR. J’y parlais de Charles Bukowski, mais aussi et surtout, de Pierre Foglia. Mes hommages, MONSIEUR Foglia. Et j’offre mes condoléances à sa famille et à ses proches

LE STYLO SAUVAGE AOÛT 2002

Coincé dans les bras d’une vie folle. Locked in the arms of a crazy life. C’est le titre d’une biographie de Charles Bukowski signée par Howard Sounes et éditée par Black Sparrow Press. L’an dernier, Pierre Foglia en avait parlé dans l’une de ses chroniques dans laquelle il parlait aussi du Mouton NOIR, « un journal d’humeur du Bas du Fleuve », disait-il. Foglia disait combien ce livre est excellent. Je le réaffirme en ouvrant ici une parenthèse : monsieur Pierre Foglia n’aime pas que ces lecteurs l’appellent familièrement Foglia. Il a bien raison. Ce n’est pas parce qu’il nous touche avec presque toutes ses chroniques qu’il devient un intime. Qui plus est, on n’appelle généralement pas nos intimes par leur nom de famille. Mais question de taper un peu moins de caractères — il comprendra, il était typographe — convenons dès maintenant qu’il y a un « monsieur » aspiré — et bien senti — à chaque fois que j’écris simplement Foglia. Fermeture de parenthèse et retour à la précitée chronique.

Dans son commentaire sur Locked in the arms of a crazy life, Foglia révélait que Charles Bukowski était l’écrivain qui l’avait le plus influencé pour qu’il veuille faire de son écriture son gagne-pain. Ça m’avait franchement étonné. Parce que Bukowski et Foglia sont aux antipodes l’un de l’autre. Mais rien ne dit que l’on ressemble à ses influences. Et c’est ici fort heureux. Une fois assimilé ce constat, cette révélation a fait se rejoindre deux fils dans ma tête. Fils comme dans fil au singulier, car on sait bien que ce qu’on a dans la tête, ce n’est rien de plus que ben ben du filage. Bref, il y a deux fils qui se sont rejoints parce que si j’aime énormément l’écriture de Charles Bukowski, moi, celui qui m’a le plus influencé à écrire, c’est Pierre Foglia.

Charles Bukowski était un salaud, un gros dégueulasse, un bagarreur — qui ne frappait pas toujours que des hommes — qui était continuellement saoul, saoul dans le genre excessif. Boire, vomir, continuer, avoir mal au bloc, recommencer… De fait, il utilisait beaucoup le terme anglais « hangover ». Il pouvait écrire des saloperies sur ses amis et encore pire sur des gens de son entourage à qui il ne portait pas d’affection particulière. Mais Bukowski écrivait autant qu’il buvait et il le faisait de façon sublime.

Charles Bukowski, enfant battu par son père et rejeté par ses proches dès son jeune âge, est l’un des plus grands poètes qu’aient portés les États-Unis profonds. Rien que les titres de ses recueils sont des œuvres : Love Is a Dog from Hell, Playing the Piano Drunk/ Like a Percussion Instrument/ Until the Fingers Begin to Bleed a Bit, The Last Nights of the Earth Poems. Assis dans son antre à écriture devant sa vieille dactylo et son cendrier plein, il transposait son univers sale et médiocre dans une poésie extraordinaire. Pas une poésie à rimettes, une poésie qui pue, qui sue, qui se promène le fond de culotte à mi-cuisse et la bedaine de bière à l’air. Une poésie vivante qui regorge d’images, de richesse et de vie, si sale soit-elle.

Bukowski, quand il connut le succès, devint un être totalement imbu de lui-même. Quand il était saoul. Donc tôt, souvent et longtemps. Il regardait de haut la faune humaine qui l’entourait tout en sachant qu’il en était partie prenante. Il se vouait le même mépris qu’à la société. Mais il ne gueulait pas, n’était aucunement engagé et n’a jamais cherché à influencer qui ou quoi ce soit, sinon le chiffre de ses ventes. Il n’avait rien à foutre de critiquer les tares du système, si pourri pouvait-il être.

Je ne connais pas Pierre Foglia autrement que par ses chroniques. Mais je sais qu’il mène une vie infiniment plus ordonnée que celle de Charles Bukowski. Ses brosses, il les prend à grands coups de bols d’air, en vélo à Saint-Armand et un peu partout sur sa planète. Foglia n’est pas un poète, du moins pas officiellement. Mais j’ai encore en tête des phrases de ses chroniques écrites il y a bien des années. « Il n’y a rien de dangereux à se mettre la tête dans la gueule d’un lion. Essayez donc de lui mettre un doigt dans le cul. » Ou sur le Salon de la Femme et la goberge — c’est nouveau, ce poisson-là ? — aromatisée dans du bouillon d’andouille. Ou sur cet agent de sécurité aux Jeux olympiques d’Atlanta, accoutré de telle sorte qu’il n’aurait pas eu besoin de sa cocarde SÉCURITÉ pour qu’on ne le confonde pas avec une perdrix. Avec une perdrix, chose! Et quand Foglia couvre le Tour de France, il parle des petites auberges et des spécialités locales. Rien que pour ça, j’aime déjà énormément Pierre Foglia. Mais aussi parce que, contrairement à celui de Bukowski, l’univers d’écriture de Foglia est mû par un sens profond de l’indignation. À une époque où le « qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ? » a cours plus que jamais, Foglia ne cesse de mettre le doigt sur les plaies de notre société, d’arracher les plasters placés dessus plus pour les cacher que pour les guérir, de nous foutre en pleine face ses blues de la bêtise humaine. Bref, Foglia s’indigne de ce qui devrait tous nous indigner.

Et les quelques sorties publiques auxquelles il s’est prêté à contrecœur ont révélé un être d’une grande humilité qui refuse de se voir comme un modèle pour ceux qui choisissent d’écrire. Mais au fond, je crois qu’il sait très bien qu’il l’est et il a toutes les raisons d’en être fier.

En tout cas, moi, je lui lève bien haut mon chapeau et le remercie pour toutes les plumes critiques qu’il a aidé à faire naître un peu partout au Québec. Ces plumes qui écrivent essais, cinéma d’auteur, journaux d’opinions ou simples lettres de lecteurs. Pour le droit et le devoir de s’indigner.

Coups de gueule estivaux

Il fait beau une journée, il pleut le lendemain. Il refait beau, il repleut. Bref, toutes les conditions sont en place pour qu’on ait un été 2025 très propice aux moustiques suceurs de sang et ce, surtout quand, comme c’est mon cas, on vit sur le bord d’un lac entouré de forêt.

Et parlant bibittes, il y en a d’autres qui s’affairent à nous faire rager bien plus par leur bêtise que celles qui nous piquent; je nomme ici plus particulièrement les élu-es du gouvernement en déroute, que dis-je, en down hill à haute vitesse vers une éjection historique aux élections d’octobre 2026, celui de François Legault.

Voici donc mes coups de gueule de ce début d’été 2025 que j’intitule Bienvenue au CAQuistan, expression emprunté à mon ami historien et chroniqueur au Devoir, Jean François Nadeau.

12 juin
Journée typiquement caquiste en ce 12 juin! Le gouvernement Legault ramène son projet électoraliste éléphant blanc de troisième lien, sans pouvoir dire où il débouchera à Québec et encore moins combien il coûtera, et annonce du même coup qu’il refuse des funérailles nationales à Victor-Lévy Beaulieu.

Mais on mettra les drapeaux de l’assemblée nationale en berne le jour de ses funérailles!

Minable! Honteux!

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14 juin
Du gros n’importe quoi! Comme de plus en plus et trop souvent! François Legault a depuis longtemps renié ses convictions indépendantistes pour plutôt se vautrer dans un nationalisme identitaire électoraliste qui pue le racisme et l’intolérance. Et maintenant, à Paris, comme pour se justifier et se complaire dans sa rétroaction politique, il s’autorise à réinterpréter le « Vive le Québec libre » du général De Gaulle, en 1967, à Montréal.

« Je pense que René Lévesque l’a pris au premier degré, c’est correct, mais c’était aussi pour dire que le peuple [québécois], la nation québécoise doit s’affirmer dans le Canada. »

Du gros n’importe quoi! Comme de plus en plus et trop souvent!

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24 juin (ici, je lance un coup de chapeau plutôt qu’un coup de gueule, suite au décès de Serge Fiori…)

Le décès de Serge Fiori me ramène à une histoire arrivée au début août 1977, histoire que je me suis toujours trouvé très très chanceux d’avoir vécue.

Au retour d’un long périple sur le pouce du Bas Saint-Laurent jusqu’à l’île du Prince-Édouard en passant par Shediac, au Nouveau Brunswick, puis de l’Île jusqu’à Montréal, j’étais allé un soir, avec des amis, à la Fête des Voisins, à Laval, qui se tenait dans un très grand parc. Il y avait, ce soir-là, 200 000 personnes dans ce parc si grand qu’il y avait deux scènes, une à chacune de ses extrémités. Mes amis et moi étions près de la scène où allaient jouer, l’un après l’autre, Louise Forestier, le groupe Lougarou, qui allait devenir Garolou, Diane Dufresne et finalement, Harmonium.

Au tout début du spectacle d’Harmonium, Serge Fiori nous dit, presque solennel : « Ça nous fait très plaisir de jouer ici ce soir, car c’est notre dernier spectacle au Québec. Nous partons en tournée en Europe et après, nous arrêtons ». Je me souviens comment tout le monde alors se regardait, incrédules, comme si ce que nous venions d’entendre ne se pouvait tout simplement pas. Ils étaient au sommet du succès et ils n’avaient produit que trois disques. Trop tôt. Voyons donc, on a mal compris… c’est pas ça qu’il a dit…

Avant même que nous ayons pu reprendre nos esprits, Fiori poursuit : « Nous allons jouer ce soir beaucoup de chansons, dont certaines plus vieilles comme celle-ci » et il enchaîne avec Pour un instant.

Beaucoup de chansons, qu’il avait dit. Et comment! Nous avons, ce soir-là, reçu, trippé, dégusté, emmagasiné toutes les chansons des deux premiers albums et toutes les meilleures pièces de L’Heptade; deux heures et demi de musique que nous serions, au Québec, les derniers à voir.

Vous comprenez pourquoi je pense depuis 48 ans et que j’écris ce soir que je suis très très chanceux d’avoir vécu cette soirée.

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27 juin
Comme à chaque année, à l’approche du 1er juillet, on nous parle des nombreuses familles et personnes qui seront toujours à la recherche d’un appartement à cette date. Si les locataires avaient suivi le très avisé conseil de la propriétaire et, accessoirement, ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau et avaient investi en immobilier, tout le monde aurait son petit nid douillet le 1er juillet. Que la vie est belle au CAQuistan!

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3 juillet
Je viens de recevoir une annonce d’Amazon m’offrant de me protéger contre les arnaqueurs. On ne précise pas s’il est question de Jeff Bezos ou de l’un de ses semblables…

4 juillet
Comme il va nous faire du bien de montrer la porte à cette ministre de l’Habitation, bien plus ministre des propriétaires de logements (ce qu’elle est elle-même) que des locataires. Faut-il être assez décrochée de la réalité pour émettre une telle grossièreté.

https://www.facebook.com/reel/1071339181621501

Bienvenue au CAQuistan!

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8 juillet
La ministre des Transports et du Troisième Lien, Geneviève Guilbault, dit avoir besoin d’ici le 16 juillet de 275 millions $ pour poursuivre le projet qu’on estime maintenant aux environs de 10 milliards $ et qui, faut-il vraiment le rappeler, n’est appuyé par aucune étude sérieuse d’experts. C’est un projet en tous points électoraliste pour un parti qui sera éjecté du pouvoir dans moins de 15 mois.

Pendant ce temps, de l’aut’ bord du fleuve, le jovialiste ministre Drainville jongle avec des coupures de plus de 530 millions en éducation, principalement dans les services aux élèves.

Eh oui, encore une fois, tout le monde ensemble :

Bienvenue au CAQuistan!

Mais n’oublions pas que le CAQuistan sera bientôt démantelé…

Je vous souhaite un très bel été. Merci de me lire!