HALF MOON RUN, le choc créatif

HALF MOON RUN, 14 décembre 2023, Montréal, avec ma fille Florence. Ce spectacle est mon cadeau d’anniversaire du printemps dernier. Super beau cadeau, mais… manière boomerang, si l’on considère que, mine de rien, c’est un peu moi qui lui ai fait connaître ce groupe…

Half Moon Run a, chez moi, de l’histoire — ou, à tout le moins, des histoires.

Une journée de printemps, en 2012, je vais porter sur l’heure du midi des feuillets publicitaires pour Spect’Art chez Audition Musik. Arrive alors sur le fait Sébastien Raboin, investi de la même mission que moi, mais pour Paralœil…

« Hey! C’est super bon, le band que tu m’as fais connaître! », dit-il au disquaire.

« De quoi vous parlez? », rétorquai-je aussitôt, une fois ma petite pile de flyers judicieusement placée sur le coin du comptoir.

« Half Moon Run, un nouveau groupe anglo du Québec. Va écouter ça, leur disque est dans un des postes d’écoute », me dit le sympathique disquaire.

Ce que je fis aussitôt. Une toune, Full Circle, deux tounes, Call me in the afternoon, quatre, cinq, juste WOW!!!

Revenu au travail, je dis à mon chum Guy : « Va écouter Half Moon Run sur ton ordi, c’est capotant! » Il ressort après cinq minutes, éberlué comme moi. « Il faut qu’on en parle à Jacques » (l’autre, le boss…)

Quelques mois plus tard, au lit, je fais entendre ça à mon amoureuse de l’époque. Première toune : Wow! , deuxième : Ben voyons! , troisième : C’est donc ben bon! et ainsi de suite.

Quelques autres mois plus tard, Half Moon Run fait pratiquement salle comble à la salle de spectacle de Rimouski — qui, souhaitons-le, changera bientôt de nom. Je me rappelle tous ces gens à qui j’avais dit de ne pas manquer ce spectacle qui me remerciaient du regard en sortant, même s’ils ne connaissaient pas le groupe avant de les voir ce soir-là.

Deux ou trois ans plus tard, peu après la sortie du deuxième album, Sun leads me on, je les revois à la même salle de spectacle — qui, si l’on s’y met tous, changera bientôt de nom — et mon chum Bertin me dit entre deux tounes : « Penses-tu qu’il y a quelqu’un dans le monde qui voit un meilleur spectacle que nous ce soir ? » Sur le coup, je me dis qu’il exagère, mais quelques minutes plus tard, je lui réponds Non!

Bref, presque 12 ans plus tard, je suis avec ma fille au M Telus — autre nom de merde! —, debout, avec 3 000 autres personnes toutes aussi conquises que moi. Et quelques fois durant le spectacle, ébahi devant ce que je me permets ici d’appeler la perfection, j’ai pensé… aux Beatles! Non, je ne suis pas encore assez fan fini ou fou pour comparer le génie des premiers avec celui du quatuor de Liverpool. Et je ne prétendrais jamais que la musique d’Half Moon Run ressemble à celle des Beatles. Mais je me disais en les regardant jouer et en les écoutant que comme celle de Lennon et McCartney, la rencontre de Conner Molander, Dylan Phillips et Devon Portielje a été un choc créatif immense qui a permis la réalisation de, jusqu’à ce jour, quatre albums tous aussi bons l’un que l’autre.

La Covid-19 a fait une autre victime : le jugement de Marie-France Bazzo

Jacques Bérubé

HELP! On m’a changé ma Marie-France Bazzo! Ou alors quelqu’un a squatté son ordinateur — Jean-Charles Lajoie ? Sophie Durocher ? un animateur de radio poubelle de Québec ? Ben non, c’est bien Marie-France Bazzo, la Marie-France Bazzo que je trouve intelligente et posée — pas toujours, mais quand c’est le cas, c’est généralement pour une bonne cause! — qui a écrit l’article Journal des temps inédits : Détester Montréal avec, mise en exergue, la phrase : Les régions ont enfin trouvé un prétexte sanitaire, un exutoire à leur méfiance, devenue haine, envers la grande Montréal.

Même les meilleures peuvent dérailler!

LES régions, montées en un beau gros bloc homogène à l’esprit villageois, qui se méfie et qui hait Montréal. « J’ai ressenti le soupir de satisfaction du Bas-Saint-Laurent jusque dans mon cou, j’ai entendu un cri de triomphe saguenéen monter jusqu’au Stade olympique ». Bravo, Marie-France, je t’accorde ici la médaille d’or du pédalage dans la choucroute — pour reprendre l’un de mes mentors, le Concombre masqué.

Bien sûr, certaines personnes ont émis des propos regrettables, bigots même, le plus souvent dictés par l’ignorance et la peur. Ici, comme à Montréal. Mais des maires aux barricades et des tribunes incendiaires? Je n’en ai ni vus ni entendus. À moins que tu considères comme des manifestations de « haine ostentatoire » de Montréal le fait que certains élus aient demandé, par prudence, que des barrages routiers soient maintenus une ou deux semaines de plus. Généraliser comme tu le fais en disant que les régions haïssent une Montréal infectée et impure, c’est aussi crédible que de dire que tous les Montréalais roulent leurs r.

Marie-France, j’aurais aimé lire dans ton article au moins une ou deux phrases sur les « régionaleux » du domaine de la santé qui sont venus à Montréal aider les médecins, infirmières et autres préposées dans les hôpitaux et CHSLD, au risque de leur santé. Au lieu de ça, tu écris que les régions se détachent des Montréalais, de « leurs » CHSLD, de leurs travailleurs de la santé, souvent immigrants — une pincée de racisme ici — et de leurs minorités culturelles sur l’party — une cuillerée d’intolérance là. Ce bout de ton article pue le préjugé bas de gamme et le mépris!

Les CHSLD en décrépitude, ce ne sont pas ceux de Montréal, ce sont ceux du Québec tout entier et les aînés qui y souffrent et qui y meurent, ce sont NOS aînés à tous. Le gouffre que tu dis voir s’élargir entre Montréal et les régions, c’est le genre de propos que contient ton texte qui le provoque.

Je travaille dans le milieu de l’économie sociale et depuis le début de la pandémie, de tous les coins du Québec — oui oui, même dans des régions que tu pointes du doigt comme le Saguenay et le Bas-Saint-Laurent, ma région — tout ce milieu se serre les coudes pour soutenir les centaines d’entreprises collectives qui emploient des milliers de personnes qui se retrouvent au cœur d’une crise sanitaire, sociale et économique qui n’a pas de précédent. Alors, quand une personnalité publique comme toi, qui jouit d’une réputation d’intellectuelle engagée, vient lancer de telles énormités, c’est un sacré croc-en jambe à la solidarité!

Ton article est un exemple parfait des réflexions de ceux qui ne voient pas plus loin que le bout de leurs ponts. En fait, tu es dans tes écrits tout ce que tu prétends que les régions pensent de Montréal : « condescendante, hautaine, trop toutte ». Me revient en tête la chanson Ces gens-là, de Jacques Brel — Eh oui! on a déjà vaguement entendu parler de Brel, en région éloignée…

« Plusieurs Montréalais pourraient ne pas avoir envie de se frotter à cette détestation provinciale (…) Montréal se remettra à voyager, mais peut-être pas de préférence au Québec. Qui a envie d’être pris pour un ennemi? » C’est vraiment la Marie-France Bazzo que je respecte qui a écrit une telle menace cheapette de vengeance : «Bon ben, ok d’abord, tant pis, on n’ira pas dépenser notre argent chez vous, en région » ?

Tu termines ta diatribe — ou ton exutoire, pour reprendre tes mots —en affirmant : « C’est ensemble que nous pourrons nous reconstruire. Ou pas. » J’ai presqu’entendu les violons. Mais ici, Marie-France, tu sonnes faux, très faux, car les jugements que tu portes ne m’apparaissent aucunement comme ceux de quelqu’un qui voit les régions dans ce projet de reconstruction.

Un autre de mes mentors, Frank Zappa, a dit : « L’esprit, c’est comme un parachute, ça ne fonctionne que s’il est ouvert! ». Ta vision de Montréal envers les régions est périmée. Et la vision que tu prétends être celle des régions envers Montréal l’est encore plus. Et grand bien nous en fasse. À tous.

Marie-France, dans des versions préliminaires de ce texte, j’employais certains mots durs à ton égard, des mots qui m’étaient dictés par l’indignation et la colère que me provoquait la lecture de ton article. Je me suis tempéré. J’aurais aimé que tu puisses en faire autant. Et j’espère qu’aujourd’hui, tu regrettes, ne serait-ce qu’un peu, une partie de ce que tu as écrit.

Sinon, ne crains rien, nous saurons très bien reconstruire sans toi.

 

NOTE : Aujourd’hui, mercredi 20 mai, Marie-France Bazzo est revenue faire une mise au point dans sa chronique de L’Actualité. Je vous invite à lire cet addenda à sa chronique de samedi dernier : Détester Montréal.