Pichenottes sur Pablo!


• Loto-Québec annonce le lancement d’une loterie des Fêtes, la LOTO-PABLO.
Devinez la journée où Pablo Rodriguez se fera kicker out du PLQ d’ici Noël et gagnez le gros lot, versé en brownies, incognito dans votre compte. Vous pouvez acheter des billets —100 $ chacun — en utilisant un prête-nom.

• UPAC – PLQ; je ne sais pas pour vous, mais il me semble que ces deux sigles fittent souvent bien ensemble depuis le début des années 2000, c’est-à-dire depuis l’arrivée dans l’organisation du conservateur Jean Charest. Bleu sur rouge, tout fout le camp!

• Il aurait quand même pu le dire, Pablo Rodriguez, qu’il ne se présentait à la chefferie du PLQ que pour battre le record Guinness du plus court mandat comme chef d’un parti politique…

• Après avoir dit « Je suis innocent! » — disons qu’on s’en était rendu compte —, voilà que Pablo Rodriguez déclare aujourd’hui, en point de presse : « Je ne vais nulle part! »
Bon ben, coudon!

Plume, Pierrot et moi

La véritable histoire de la Sainte-Trinité
Pierre Doc Landry, Septentrion

Ce curieux Docteur Landry — dans le sens empreint de curiosité, pour notre plus grand bien — n’en est pas à ses premières armes. Et l’arme en question n’est pas un bistouri — Belzébuth nous en préserve —, mais bien sa plume, ou disons plutôt son clavier. Qu’il manie plus que bien.

Plume, Pierrot et moi est le 13e ouvrage de Pierre Landry, résidant du Bas-Saint-Laurent de longue date et collaborateur depuis plus de 25 ans du Mouton NOIR. Et c’est fort probablement celui des 13 qui cartonne le plus. Et pour cause. Versant souvent dans les récits historiques régionaux, Pierre Doc Landry, l’un des tiers du mythique groupe La Sainte-Trinité, qui a écumé la scène musicale underground — et overground — du Québec, de Percé à Montréal, à l’aube des années 1970, signe ici un livre qui nous entraîne, avec moults détails, dans les sillons d’une période cruciale de l’émancipation culturelle et politique de notre demi-pays (comme dit Jean-François Nadeau) et, plus globalement, de la jeunesse de partout dans le monde où cela pouvait se faire.

« C’est un lieu commun, de l’histoire contemporaine et de la sociologie que de caractériser les années 60 par l’éclatement du « phénomène jeunesse », c’est-à-dire la montée, dans l’ensemble de l’Occident, de cette nouvelle génération, dont la présence tapageuse ébranle les structures les mieux établies et dont l’esprit, les mœurs et les attentes provoquent la révision
ou le déclin des codes et des traditions les mieux ancrés.
Époque charnière, époque à la fois étrange et miraculeuse,cette décennie a pris avec le temps l’aspect d’une véritable épopée.
 »

François Ricard, La Génération lyrique,
cité par Pierre Doc Landry en ouverture de son livre

 La Sainte-Trinité, née d’une rencontre fortuite à Percé à l’été 1970, c’était Plume Latraverse, alias Dieu la Mère, Pierre Docteur Landry, alias Dieu le Vice, et Pierrot Léger, également appelé Pierrot-le-fou, dit Dieu le Sain d’esprit.

Mais Plume, Pierrot et moi, c’est bien plus que l’histoire de la Sainte-Trinité. C’est un véritable portrait d’époque, parsemé de photographies et d’archives, qui ravivera la mémoire de celles et ceux qui l’ont vécue et qui les ravira, je n’en doute aucunement. Il « instruira » aussi les plus jeunes, férus d’histoire — dont celle dite « sexe, drogue et rock’n’roll » —, qui aiment savoir d’où ils viennent pour mieux voir où ils vont.

Sous forme autobiographique, pour sûr flyée, souvent drôle, parfois touchante — notamment, cette carte postale envoyée de Grèce par son avocat de père, attristé par les dérives de son rejeton [1], qui débute ainsi : « Ici, les ruines sont superbes. Et toi, comment vas-tu ? » — Doc Landry livre le récit des folles tribulations de la Sainte-Trinité, en les mettant en parallèle avec des événements-phares de notre société, dont certains, survenus plus tôt, avaient sans aucun doute nourri le caractère réactif du groupe, comme ceux-ci, de 1968 à 1970 :

  • Le lancement du livre-pamphlet Nègres blancs d’Amérique, de Pierre Vallières;
  • Le spectacle Poèmes et Chants de la Résistance, au bénéfice de ce même Vallières et de Charles Gagnon, felquistes emprisonnés à New York, qui réunissait entre autres sur scène les Vigneault, Miron, Gauvreau, Duguay et Michèle Lalonde (deux ans avant la première lecture de son magistral Speak White, lors de la Nuit de la Poésie 1970, au Gésu;
  • Le Lundi de la matraque, à la Saint-Jean, où le fendant Pierre Elliott Trudeau regardait du haut de la tribune « d’honneur » les émeutes qui provoqueront 292 arrestations et feront plus de 135 blessé-es, la plupart par les policiers à cheval qui chargeaient la foule, matraque en main.
  • En 1969, la Maison du pêcheur, à Percé, et l’expulsion sauvage avec les boyaux des pompiers par des rednecks locaux; le Doc Landry en a pris plein la gueule, comme la cinquantaine de jeunes sur place.
  • L’incontournable Crise d’Octobre 1970, avec, comme principaux commettants, les « tenanciers » et compagnons d’expulsion de l’été de Percé, les frères Paul et Jacques Rose et Francis Simard, qui avaient enlevé le ministre de « l’Assimilation et du Chômage », Pierre Laporte, et seraient ensuite emprisonnés pour leur responsabilité dans la mort de ce dernier. Et bien sûr, l’immonde loi sur les mesures de guerre, venue d’un autre trio, bien plus lugubre; Drapeau, Bourassa et Trudeau!

À cette époque, la Sainte-Trinité performait presque tous les soirs à L’Imprévu de l’hôtel Jacques-Cartier, dans le Vieux Montréal, souvent devant quelques policiers de la GRC en civil, qu’ils saluaient gaiement en début de spectacle. Le groupe était surnommé la Cellule Divertissement. Puis, ils déménageraient leurs pénates — et leur mascotte, la poule Rita Picard — au sous-sol de l’hôtel, dans une discothèque fermée depuis deux ans, la Lunathèque, convertie en cabaret uniquement dédié à la Sainte-Trinité : Chez Dieu.

Pitou Pitou Pitou Pitou_ou Waa
Minou Minou Minou Minou_ou Waa!
Bonsoir, mesdames, mesdemoiselles et mes cieux,
Mangez d’la marde et bienvenue chez Dieu
Sortez vot’grass, on va s’faire un party organisé
Par la Sain_te-Trinité »


[1] On eut souhaité que le paternel ait une vision prémonitoire de ce que ferait fiston Doc bien après ses expériences de jeunesse; maîtrise en littérature, directeur d’un journal d’opinion, directeur d’un musée, président de la Société des musées québécois et auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages. Mais il faut dire que le père gardait espoir comme en font foi ces mots : « Sûrement, il doit exister un peu d’ambition saine dans cet être irremplaçable que tu es. »  

Coups de gueule estivaux

Il fait beau une journée, il pleut le lendemain. Il refait beau, il repleut. Bref, toutes les conditions sont en place pour qu’on ait un été 2025 très propice aux moustiques suceurs de sang et ce, surtout quand, comme c’est mon cas, on vit sur le bord d’un lac entouré de forêt.

Et parlant bibittes, il y en a d’autres qui s’affairent à nous faire rager bien plus par leur bêtise que celles qui nous piquent; je nomme ici plus particulièrement les élu-es du gouvernement en déroute, que dis-je, en down hill à haute vitesse vers une éjection historique aux élections d’octobre 2026, celui de François Legault.

Voici donc mes coups de gueule de ce début d’été 2025 que j’intitule Bienvenue au CAQuistan, expression emprunté à mon ami historien et chroniqueur au Devoir, Jean François Nadeau.

12 juin
Journée typiquement caquiste en ce 12 juin! Le gouvernement Legault ramène son projet électoraliste éléphant blanc de troisième lien, sans pouvoir dire où il débouchera à Québec et encore moins combien il coûtera, et annonce du même coup qu’il refuse des funérailles nationales à Victor-Lévy Beaulieu.

Mais on mettra les drapeaux de l’assemblée nationale en berne le jour de ses funérailles!

Minable! Honteux!

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14 juin
Du gros n’importe quoi! Comme de plus en plus et trop souvent! François Legault a depuis longtemps renié ses convictions indépendantistes pour plutôt se vautrer dans un nationalisme identitaire électoraliste qui pue le racisme et l’intolérance. Et maintenant, à Paris, comme pour se justifier et se complaire dans sa rétroaction politique, il s’autorise à réinterpréter le « Vive le Québec libre » du général De Gaulle, en 1967, à Montréal.

« Je pense que René Lévesque l’a pris au premier degré, c’est correct, mais c’était aussi pour dire que le peuple [québécois], la nation québécoise doit s’affirmer dans le Canada. »

Du gros n’importe quoi! Comme de plus en plus et trop souvent!

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24 juin (ici, je lance un coup de chapeau plutôt qu’un coup de gueule, suite au décès de Serge Fiori…)

Le décès de Serge Fiori me ramène à une histoire arrivée au début août 1977, histoire que je me suis toujours trouvé très très chanceux d’avoir vécue.

Au retour d’un long périple sur le pouce du Bas Saint-Laurent jusqu’à l’île du Prince-Édouard en passant par Shediac, au Nouveau Brunswick, puis de l’Île jusqu’à Montréal, j’étais allé un soir, avec des amis, à la Fête des Voisins, à Laval, qui se tenait dans un très grand parc. Il y avait, ce soir-là, 200 000 personnes dans ce parc si grand qu’il y avait deux scènes, une à chacune de ses extrémités. Mes amis et moi étions près de la scène où allaient jouer, l’un après l’autre, Louise Forestier, le groupe Lougarou, qui allait devenir Garolou, Diane Dufresne et finalement, Harmonium.

Au tout début du spectacle d’Harmonium, Serge Fiori nous dit, presque solennel : « Ça nous fait très plaisir de jouer ici ce soir, car c’est notre dernier spectacle au Québec. Nous partons en tournée en Europe et après, nous arrêtons ». Je me souviens comment tout le monde alors se regardait, incrédules, comme si ce que nous venions d’entendre ne se pouvait tout simplement pas. Ils étaient au sommet du succès et ils n’avaient produit que trois disques. Trop tôt. Voyons donc, on a mal compris… c’est pas ça qu’il a dit…

Avant même que nous ayons pu reprendre nos esprits, Fiori poursuit : « Nous allons jouer ce soir beaucoup de chansons, dont certaines plus vieilles comme celle-ci » et il enchaîne avec Pour un instant.

Beaucoup de chansons, qu’il avait dit. Et comment! Nous avons, ce soir-là, reçu, trippé, dégusté, emmagasiné toutes les chansons des deux premiers albums et toutes les meilleures pièces de L’Heptade; deux heures et demi de musique que nous serions, au Québec, les derniers à voir.

Vous comprenez pourquoi je pense depuis 48 ans et que j’écris ce soir que je suis très très chanceux d’avoir vécu cette soirée.

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27 juin
Comme à chaque année, à l’approche du 1er juillet, on nous parle des nombreuses familles et personnes qui seront toujours à la recherche d’un appartement à cette date. Si les locataires avaient suivi le très avisé conseil de la propriétaire et, accessoirement, ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau et avaient investi en immobilier, tout le monde aurait son petit nid douillet le 1er juillet. Que la vie est belle au CAQuistan!

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3 juillet
Je viens de recevoir une annonce d’Amazon m’offrant de me protéger contre les arnaqueurs. On ne précise pas s’il est question de Jeff Bezos ou de l’un de ses semblables…

4 juillet
Comme il va nous faire du bien de montrer la porte à cette ministre de l’Habitation, bien plus ministre des propriétaires de logements (ce qu’elle est elle-même) que des locataires. Faut-il être assez décrochée de la réalité pour émettre une telle grossièreté.

https://www.facebook.com/reel/1071339181621501

Bienvenue au CAQuistan!

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8 juillet
La ministre des Transports et du Troisième Lien, Geneviève Guilbault, dit avoir besoin d’ici le 16 juillet de 275 millions $ pour poursuivre le projet qu’on estime maintenant aux environs de 10 milliards $ et qui, faut-il vraiment le rappeler, n’est appuyé par aucune étude sérieuse d’experts. C’est un projet en tous points électoraliste pour un parti qui sera éjecté du pouvoir dans moins de 15 mois.

Pendant ce temps, de l’aut’ bord du fleuve, le jovialiste ministre Drainville jongle avec des coupures de plus de 530 millions en éducation, principalement dans les services aux élèves.

Eh oui, encore une fois, tout le monde ensemble :

Bienvenue au CAQuistan!

Mais n’oublions pas que le CAQuistan sera bientôt démantelé…

Je vous souhaite un très bel été. Merci de me lire!

On est en élections… Tant pis! Et les images restent…

Ça y est, la campagne des élections fédérales est lancée… Cinq semaines durant lesquelles on entendra parler — un peu — d’autre chose que de Trump, Vance, Musk.

Le PLC part sur un nouveau pied de guerre avec son banquier — les Français rigolent; c’est à votre tour! vous verrez bien… 

Dans son coin, là-bas, à droite, à l’extrême droite, le réactionnaire-conservateur Poilièvre, qui est sur une glissade digne du Red Bull Crashed Ice (tiens, Red Bull, l’image lui va bien, du moins le Red, parce qu’il a le Bull plutôt mou…) essaie de se distancer de Trump. Mais les images restent!

Bien sûr, sur le plan national, il y a aussi le NPD. Qu’en dire? Voilà.

Et au Québec, le Bloc québécois continuera de faire valoir son rôle d’oppos… zzz zzz… oups, excusez-moi.

De trésors enfouis… ou trop peu connus

Une fin d’après-midi d’un dimanche de février, en attente d’une autre tempête de neige, j’écoute le disque « La Traversée », de Gilles Bélanger, qui date de 1980. Quel trésor méconnu! De magnifiques chansons, profondes, touchantes, d’une qualité d’écriture de haut niveau. La Traversée et Lettre de Élise à Albert sont de petits chefs-d’œuvre de chansons; L’Alphonse, Last Call et Le Naufragé les suivent de près, mais TOUT est bon sur cet album. Probablement vendu à seulement quelques centaines de copies à l’époque — je me souviens de piles de cet album entreposées dans des placards de la radio communautaire de Rimouski où je travaillais — cet album mériterait grandement d’être relancé, comme l’ont été quelques albums de ces années.

Ça fait dix ans tu m’avais dit un an
Le temps de faire un peu d’argent à l’Expo
Les Olympiques t’ont rentré d’dans
Encore un an tu m’as dit c’est l’gros lot
Pi la Baie James t’a harnaché
À tous les trois a m’passe dix jours
Un gars trop saoul pour faire l’amour
Ça valait pas le coup de s’déraciner »

Après l’écoute de La Traversée, de Gilles Bélanger, je passe à NIL EN VILLE, de Jocelyn Bérubé, ami de longue date et petit cousin par je ne sais trop quelle fesse.

Quel texte, quel cri du cœur, quel triste et vrai portrait de la vie des déportés de l’un de ces villages gaspésiens fermés par le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ) au début des années 1970. 53 ans après la fermeture de Saint-Nil et 48 ans après la parution de l’album Nil en ville (1976), ce texte magistral, écrit sur un coup de cœur et de blues à l’âme en peu de temps sur le coin d’une table de bar, frappe encore en plein front, en pleine gueule, en plein cœur.

Quand ta maison flambait
Dans la brumante des déportements
Tu regardais en chagrin par en haut
Devant ta maison qui brûlait
Tu voyais un oiseau qui chantait

Nil, coq éméché, encore passé tout droit,
Oiseau à pied, pillé, volé et passé au feu,
Devenu déporté, transposé
Adapté au courant

(…)
Peut-être que tu campes tous les soirs
Dans une des mille tavernes,
Attendant pour lever d’ton siège
De t’faire claironner
Un « Last call » d’humeur massacrante dans les oreilles,
Comme le glas d’une autre défaite : ton œil frippé,
Voyant en double les tables désertées et jonchées de bouteilles,
Comme des cadavres de champs de bataille.
Nil en ville, sans famille, sans village, et sans pays,
Tu portes enfin ton nom.

(…)

Coups de gueule (et de chapeaux) de fin et de début d’année

30 janvier
L’émission Enquêtes, de Radio-Canada, présente un reportage sur le naufrage du sous-marin touristique Titan, survenu en 2023. Quatre millionnaires, dont le propriétaire du Titan et l’explorateur sous-marin français Paul-Henri Nargeolet se trouvaient dans le sous-marin, qui tentait d’atteindre l’épave du Titanic, à 4 000 mètres de profondeur. Coût par client : 300 000 $.

À peu près en même temps que le Titan disparaît des radars, un bateau ayant à son bord 750 migrants, adultes et enfants, originaires de pays pauvres ou fuyant la guerre, chavire au large du Péloponnèse, en Grèce.

Une mobilisation internationale s’organise rapidement et est menée durant plusieurs jours. Pour venir en aide aux migrants naufragés? Non. Pour tenter de retrouver le Titan et surtout ses richissimes passagers. Les gardes-côtes, des militaires canadiens et américains et des navires privés ont été mobilisés dans les heures suivant la perte de contact avec le sous-marin. Des équipements spécialisés pouvant atteindre la profondeur de l’épave du Titanic ont été envoyés de France. Mais le Titan a implosé et ses cinq passagers sont morts. De l’autre côté, les autres, les pauvres, sont laissés en détresse pendant des heures, de sorte que seuls 104 passagers ont survécu. 650 à 5!

Deux ans plus tard, Enquêtes cherche des détails pour savoir ce qui s’est passé avec le Titan et a même produit un balado sur l’enquête, qui est disponible sur Ohdio. Et bien sûr, pas un mot sur le parallèle deux poids, deux mesures, des opérations de sauvetage.

21 janvier
Un coup de chapeau… pour continuer cette page de coups du gueule…

Le dernier membre de The Band, l’un de mes groupes préférés (je peux même dire groupe-culte dans leur cas), Garth Hudson, est décédé le 21 janvier 2025, à l’âge vénérable de 87 ans. Il était l’organiste et accordéoniste du groupe, qui était composé de quatre Canadiens, dont lui, et d’un Américain, le batteur et chanteur Levon Helm. Chapeau, monsieur Hudson, vous qui en portiez souvent de très beaux.

Pendant ce temps, au Caquistan
Bon, mononc’ François s’est trouvé un os à gruger pour essayer de remonter dans les sondages. Après avoir protégé les Québécois-es contre la COVID, il va maintenant nous protéger contre les tarifs douaniers du méchant Donald.
Vous vous sentez rassurés? Qu’est-ce qu’on dit à mononc’ ?

17 janvier
Via Rail vient de lancer une campagne de publicité télé. Une petite fille, Emma, sort de la salle où elle jouait avec son train électrique Via et lui dit : « sois sage ». N’aie crainte, Emma, les trains de Via sont très très sages dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie.

Le slogan de cette campagne : Via Rail, nouveaux trains, nouvelle ère.
Ah oui? Quoi de neuf, du service en région?

15 janvier
Autre coup de chapeau, celui-ci en forme de grand salut à un ami

Plusieurs Rimouskoises et Rimouskois, dont je suis, viennent de perdre un ami très attachant, Denis Chassé. Ce cher ami Denis, que j’ai connu au début des années 1980, était passé de l’enseignement du français au Cégep de Rimouski au culturisme, où il était vite devenu champion canadien de lever de poids. Toujours passionné de littérature et de culture, Denis, qui savait trouver des mots d’esprit savoureux, disait : j’ai changé les livres pour les kilos! Une journée où, lendemain d’une soirée trop arrosée, c’était plus difficile pour moi sur la bicyclette stationnaire du centre d’entraînement où il travaillait, il m’avait dit : « Jacques, il y a un temps pour s’entraîner et un temps pour se laisser entraîner… »

Un autre souvenir de Denis : à l’époque des réunions de conseil municipal de Rimouski où le ton montait vite quand les discussions portaient sur le sempiternel projet de salle de spectacle, le conseiller Gilles Thériault, très vif de caractère — un euphémisme! — avait menacé de s’en prendre physiquement à Eudore Belzile, qui, au micro dans la salle, venait de qualifier l’ex-maire de Rimouski, Philippe Michaud, de « pharaon sans pyramide ». Nous étions plusieurs collègues et ami-es du milieu culturel assis ensemble dans la salle et, dès que nous avons entendu les menaces du conseiller, nos regards se sont tous portés, allez savoir pourquoi (!), vers Denis Chassé. Les bras croisés sur son énorme torse, Denis a opiné du bonnet en nous faisant un petit sourire complice. Je ne peux m’empêcher d’écrire ici que, depuis ce temps, j’ai toujours un peu fantasmé en imaginant la scène qui aurait eu lieu si le conseiller Thériault s’était levé pour passer aux actes et que notre cher colosse de Rhodes rimouskois s’était lui aussi levé pour rejoindre Eudore près du micro!!!

On lui avait d’ailleurs demandé, après la séance du conseil, ce qu’il aurait fait si le conseiller s’était levé. Denis nous a répondu : « je lui aurais dit : voulez-vous vous rasseoir, s’il vous plaît, monsieur Thériault ». Je pense qu’il l’aurait fait.

Je précise aussi que, suite à la demande du conseiller Thériault lors de cette mouvementée séance, Eudore Belzile avait retiré son « pharaon sans pyramide »… pour le remplacer par « fanfaron pyramidal »!

Bon voyage, mon cher ami Denis. Comme tout le monde qui te connaissait, je t’aimais beaucoup.

12 – 13 janvier
Salut et gros gros mercis, Madame Kim

Kim Yaroshevskaya, notre Fanfreluche, est partie raconter ses histoires à d’autres enfants. J’avais fait une entrevue avec elle et le conteur Jocelyn Bérubé en 2002 à Trois-Pistoles, dans le cadre du festival des Grandes Gueules. C’est l’un des plus beaux souvenirs de toute mon aventure au Mouton NOIR. Elle était totalement charmante.

Et je viens de retrouver avec une grande bouffée de bonheur cette photographie que j’avais faite de Madame Kim (comme je l’appelais) et de mon cher ami Jocelyn pour cette entrevue. Jocelyn faisait le grand méchant loup qui voulait dévorer la petite Kim.

J’ai un beau et drôle de souvenir à partir de mon entrevue avec Kim Yaroshevskaya et Jocelyn Bérubé, en 2002, à Trois-Pistoles, pendant le festival des Grandes Gueules. Je passe chercher madame Kim à son motel pour ensuite rejoindre Jocelyn dans un restaurant pour l’entrevue, qui porte sur le conte et sur leur rôle respectif dans le domaine. En chemin, je dis à madame Kim que je reviens tout juste d’un symposium d’art in situ, qui s’est déroulé à Carleton. Posant sa main sur mon bras, elle me demande, avec sa jolie voix flûtée : « Jacques, qu’est-ce que c’est l’art in situ ? ». Je lui explique alors, en quelques mots, que c’est une forme d’art ou l’artiste crée une œuvre dans laquelle le site de création, la forêt, la berge, le cours d’eau, est intégré. « Ah bon », dit-elle.

Jocelyn nous rejoint au resto et on fait l’entrevue, qui s’avère bien plus pour moi, un ex-enfant de la Boîte à surprises, une rencontre amicale. Nous parlons du conte dans les émissions pour enfants, de personnages, de l’histoire du conte, etc. Puis, je pose une question sur les différences qui existent entre eux deux comme conteuse et conteur. Madame Kim répond la première : « Toi, Jocelyn, tu fais du conte in situ… »

28 décembre
Fin d’année 2024 à Gaza : plus de 44 000 morts et plus de 100 000 blessés, dont de très nombreux enfants et des femmes qui n’ont rien à voir avec les fous du Hamas. 44 000 morts et 100 000 blessés « grâce » aux vendeurs d’armes comme le Canada aux criminels de guerre d’Israël. Et les centaines de millions $ récoltés font fermer les yeux de Trudeau et ses dociles caniches, à demi-anesthésiés par l’odeur du fric, devant le génocide qu’Israël fait à Gaza.

Dans 10 ans, dans 20 ans, Justin Trudeau aura été oublié (j’espère!) mais le monde entier se rappellera de l’inaction du Canada contre le génocide de Gaza.

De déportation et d’assimilation, d’assurance de supériorité et de résistance

Jacques Bérubé
Texte présenté comme travail de session au cours
Histoire des peuples autochtones en Amérique du Nord, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

Pakuashipi, territoire Innu, 1961
Après avoir forcé des mariages entre Innus de Pakuashipi, renommée Saint-Augustin par les colonisateurs français, et d’Unamen Shipu, renommée La Romaine, le curé Alexis Joveneau, un oblat belge installé depuis 1953 sur la Basse-Côte Nord du Québec, orchestre en 1961 la déportation de la petite communauté de Pakuashipi vers Unamen Shipu, sise à 250 kilomètres au sud-ouest, pour rassembler les deux communautés en un seul et même lieu.

La décision de la déportation des Innus — que le gouvernement appelait plutôt « déplacement » ou « relocalisation », le mot déportation étant trop porteur d’un sens historique négatif— était officiellement celle du gouvernement fédéral. Mais il est très probable que l’initiative avait été pensée et proposée au gouvernement par le curé Joveneau, en lui serinant qu’il serait plus facile de gérer un seul endroit — une seule réserve — et en lui faisant miroiter la rationalisation et surtout la rentabilisation des investissements du gouvernement. Et comme les fonctionnaires des « Affaires indiennes » n’étaient évidemment pas sur place, dans ces micro-communautés éloignées des bureaux où ils prenaient les décisions et entérinaient les mesures, Alexis Joveneau disposait donc de grands pouvoirs en tant que délégué de l’État.

Et pour le curé, la possibilité de convertir les Innus à la religion catholique sans avoir à traverser les 250 kilomètres qui séparaient les deux territoires en bateau ou en avion— il n’y avait pas de route — convenait très bien. Et avec ce qui a été révélé quelques années après le décès de ce prêtre abuseur, alcoolique et pédophile, on pourrait aussi croire que la déportation avait l’avantage de lui faciliter l’accès à ses victimes.

« La réunion ou l’assemblée s’est tenue au sous-sol de l’église, c’est le curé qui est venu nous en parler, il n’y avait pas d’agent du gouvernement, (…), c’est le curé qui est venu nous parler de ce déménagement. La raison qu’on nous avait donnée pour déménager, c’était parce qu’on n’était pas une grosse population à Pakua-shipu et le gouvernement voulait faire une réserve seulement. Le chef Tshan Mark (Shinapesht) lui a dit : ‘’On ne peut pas aller s’installer là-bas parce que nos territoires de chasse sont ici, dans l’intérieur des terres, on ne veut pas les quitter’’. Mais il insistait quand même, et en insistant ainsi, il a fini par les convaincre. » (AM, Unamen Shipu, octobre 2011) [1]

La déportation s’effectue donc en août 1961. Pendant 48 heures, 65 Innus de Pakuashipi étaient entassés dans la cale du bateau North Pioneer qui les emportait vers Unamen Shipu. Ils n’ont presque rien mangé et rien bu pendant les deux jours du voyage.

Madeleine Mestenapéo, qui était alors âgée de 18 ans, se rappelle le bruit de la porte qui s’est refermée au-dessus d’elle. Madame Mestenapéo se rappelle encore l’odeur. « Nous étions dans la cale du bateau. Ça puait. Ça sentait le poisson pourri. Les enfants pleuraient et tout le monde était apeuré. Même les chiens étaient dans la cale avec nous. » [2]

Au moment de la déportation, pour s’assurer de conserver une trace de lien spirituel, ils avaient emmené avec eux des poches de terre et de sable de Pakuashipi pour les répandre sur le sol à leur arrivée à Unamen Shipu et en faire la première terre sur laquelle ils posent les pieds.[3]

Pendant deux ans, ces Innus, à qui on avait promis maisons, nourriture et argent, ont vécu sous des tentes ou dans d’autres familles. Maintenus dans un tel état, ils souhaitaient retrouver Pakuashipi, mais le père Joveneau les menaçait s’ils partaient.

Mais en avril 1963, 19 Innus de quatre familles ont bravé les menaces du prêtre et, menées par Shimun Mestenapéo, qui s’était toujours opposé à la déportation, en venant même aux coups avec l’oblat Joveneau, elles ont décidé de revenir avec ce qu’il leur restait de biens dans leur territoire ancestral — Nitassinan — de Pakuashipi. Leur retour, fait à la marche et en canot, a duré un mois. Par la suite, d’autres déportés innus ont suivi l’exemple de ces familles et sont revenus à Pakuashipi, par bateau ou en hydravion.

Aujourd’hui, au sein de la communauté qui compte environ 300 personnes, Shimun Mesteapeo est considéré comme un héros pour le rôle de leader de la résistance face à la déportation qu’il a joué.

« Sans lui, et les autres qui ont marché pour revenir jusqu’ici, il n’y aurait plus d’Innus à Pakuashipi, explique Mika Tenagan, son arrière-petite-fille. Je suis vraiment fière de faire partie d’une communauté et d’une famille qui ont résisté. »[4]

Les mariages inter-communautés orchestrés par Joveneau se rapprochaient des pratiques d’accouplement ayant cours dans l’élevage d’animaux. De même, les conditions dans lesquelles s’est opéré la déportation des Innus de Pakuashipi à Unamen-Shipu étaient pratiquement similaires à celles du transport du bétail. Ces constats nous permettent de dire que, pour Joveneau et pour plusieurs de ses semblables, les Autochtones étaient considérés comme des races inférieures. Et on ne demande pas aux races inférieures la permission pour avaliser les décisions de la gent dominante.

La déportation des Innus de Pakuashipi par des colonisateurs arrivés sur la Basse-Côte Nord tard au XXe siècle représentait une véritable prise de contrôle sur une communauté qui habitait un territoire depuis des siècles. Cette sombre histoire de déportation est en soi un micro-exemple de ce qui s’est fait un peu partout en Amérique du Nord, notamment en Georgie, dont la législature vota en 1827 une loi qui invalidait une constitution et tous les traités signés par les États-Unis avec les Cherokees, qui déclarait que la Georgie était souveraine sur l’ensemble des terres comprises à l’intérieur de ses frontières et qui affirmait qu’elle pouvait prendre possession des terres occupées par les Indiens (sic) à sa guise.[5]

Encore là, on ne parla pas de déportation, mais bien d’émigration et d’échange de réserves de terres. Mais pour les Innus de Pakuashipi, pour les Cherokees et pour les autres nations autochtones qui ont subi le même sort à travers l’histoire, il s’agit bien de déportation, puisque ce mot signifie « dépossession d’un territoire auquel le peuple est attaché », ce qui était bien le cas de ces opérations.

L’assurance de supériorité
L’histoire coloniale d’Amérique du Nord regorge d’exemples de décisions ou d’actions qui portaient atteinte aux droits les plus élémentaires des Premières Nations et qui démontraient non pas le sentiment, mais bien l’assurance de supériorité qu’avaient les colonisateurs blancs sur les Autochtones.

Au Canada, les tristement célèbres déclarations et mesures racistes du premier ministre et responsable des politiques avec les Autochtones, John A. Macdonald [6] et de Duncan Campbell Scott, surintendant du ministère des Affaires indiennes [7] demeurent dans l’histoire comme preuves tangibles de la gouvernance odieuse des Canadiens sur les Premières Nations. Et cette gouvernance s’appuyait tout bonnement sur l’assurance de supériorité qu’avaient les « Blancs sur les sauvages ».

Les Métis étaient tout aussi mal considérés. Dans ses écrits sur les Métis de la Rivière Rouge, le géographe Étienne Rivard cite l’instituteur, avocat et journaliste Auguste-Henri de Trémaudan, natif du Québec et établi au Manitoba, qui, dans son ouvrage de 1936 Histoire de la Nation métisse dans l’Ouest canadien, décrit ainsi le mode de vie métis : « Comme peuple primitif, simple, de bonne foi, placé par la Providence dans une heureuse abondance de biens, et d’ailleurs sans beaucoup d’ambition, les Métis n’avaient presque pas de gouvernement. ».. Rivard cite aussi l’ethnologue français Marcel Giraud, dans Le Métis canadien: son rôle dans l’histoire des provinces de l’Ouest, écrit en 1945 : « Dans l’état actuel des choses, on n’entrevoit guère, pour ces groupes arriérés, de possibilité de relèvement. Leurs habitudes de vie, leurs défauts de caractère sont appelés à se perpétuer dans le milieu physique où ils ont fixé leur résidence et dans l’isolement de fait où ils sont relégués par les blancs, dont les qualités, par suite, leur demeurent étrangères. »[8]

La Loi sur les Indiens; le livre blanc de 1969
La loi sur les Indiens de 1876 est un véritable condensé des politiques colonialistes des gouvernements de l’époque qui établit que les Autochtones n’ont pas tous les mêmes droits que les autres Canadiens et Canadiennes. C’est sous cette loi qu’ont officiellement été créé les « réserves indiennes », dirigées par des conseils de bande, une organisation de gouvernance non traditionnelle, créée par le gouvernement canadien. Presque 150 ans plus tard, de nombreux Autochtones parlent toujours des réserves avec une très compréhensible rage et avec beaucoup d’émotion.

Pour plusieurs, le mot réserve signifie prison, enclos, limitation, contrôle, encadrement, sédentarisation. Le concept même de réserve repose sur une connotation de l’infériorité des peuples autochtones. C’est le conseil de bande, qui relève du gouvernement canadien, qui détermine, selon des règles établies par celui-ci, le droit de résidence des Autochtones sur une partie de territoire, un droit qui, jusqu’en 1973, n’en était pas un de propriété. Le gouvernement était le possédant et les Autochtones qui résidaient dans les réserves étaient des occupants sans propriété, considérés comme mineurs — sans droit de vote — et non comme des adultes.

En 1969, prenant pour prétexte la perception extrêmement négative qu’avaient les Premières Nations de la discriminatoire Loi sur les Indiens et prétendant vouloir instaurer l’égalité entre les Autochtones avec les autres citoyens, le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, avec Jean Chrétien comme ministre des Affaires indiennes et du Nord, tente, avec son livre blanc titré La politique indienne du gouvernement du Canada (Livre Blanc sur la politique indienne), de faire disparaître de la constitution toutes les allusions à l’Indien en révoquant la Loi sur les Indiens. Mais peut-on penser que ce projet de loi était aussi — ou surtout — motivé par le grand rêve de Trudeau : faire du Canada un grand pays homogène et uniforme, habité par une seule et grande nation, de culture canadienne, sans statuts distinctifs, bilingue ad mare usque ad mare. Pas d’Autochtones, pas de Québécois, pas d’Acadiens, pas de fermiers ukrainiens dans l’ouest, rien que des Canadiens. One and a same people in a large and beautiful country — « le plus meilleur pays du monde », dixit son valet Jean Chrétien. Les racines, l’histoire, l’héritage culturel ? On balaie tout cela sous le grand tapis unifolié.

On connaissait déjà le mépris ou même l’animosité de Pierre Elliott Trudeau envers les nationalistes et les indépendantistes du Québec. Mais finalement, ceux-ci n’étaient pas les seuls que Trudeau avait dans sa mire pour nourrir son grand rêve, qu’il était, heureusement, presque le seul à entretenir et qui s’est tranquillement éteint, faute de réalisme et de faisabilité. Il nous est donc permis d’affirmer, près de 60 ans plus tard, que le projet de loi du Livre blanc Trudeau-Chrétien n’était rien de moins qu’un plan d’assimilation dont les résultats auraient signifié un véritable génocide ethnoculturel. Comme l’a écrit le leader politique et auteur cri Harold Cardinal, en réplique au Livre blanc : « La politique présentée en juin 1969 est un programme voilé d’extermination par le biais de l’émancipation ».

Malgré toute son iniquité, la Loi sur les Indiens est la seule qui permet aux Premières Nations d’avoir une reconnaissance en tant que peuple et non pas comme une minorité intégrée au grand tout canadien, et cela peut en partie expliquer la réaction pratiquement unanime de rejet qu’ont eue les Premières Nations devant le projet fédéral de 1969.

La résistance, l’amorce d’un changement
Le retour des Innus d’Unamen-Shipu à Pakuashipi marquait un acte de résistance, voire de rébellion, contre le pouvoir occupant, colonialiste et religieux.

« Le fils de Shimun, Jérôme Mestenapeo, raconte que la marche de retour vers Pakuashipi avait permis un certain affranchissement vis-à-vis de l’autorité du prêtre oblat. À mesure que Shimun se rapprochait de ses terres ancestrales, il renouait avec sa culture, il faisait des cérémonies de purification à chaque campement, des tentes de sudation tous les soirs. Ces activités étaient auparavant interdites par le représentant de la foi catholique. »[9]

Cet acte de résistance et ceux qui ont suivi ailleurs au Québec ont, petit à petit, mené à une reprise en mains et au refus de la dépossession des Premières Nations et ont marqué le pas à la signature d’ententes historiques comme la Convention de la Baie-James et du Nord québécois avec les Cris et les Inuits en 1975, et la Paix des Braves, une entente politique et économique établie entre le gouvernement de Bernard Landry et les Cris, en 2002.

On pourrait aussi penser que les actes de résistance des Premières Nations ont inspiré les populations de villages du Bas-Saint-Laurent qui, en formant au début des années 1970 le mouvement citoyen d’opposition aux fermetures de villages et au déplacement des populations appelé Opération Dignité, allaient mettre fin aux opérations du bien nommé Bureau d’aménagement de l’Est du Québec, le BAEQ, qui avait précédemment fermé 11 villages gaspésiens et qui voulait alors « s’attaquer » au Bas-Saint-Laurent.

Et si… pour conclure
Toutes les évaluations et analyses des colonisateurs sur les façons de vivre des Premières Nations étaient faites à partir de leur propre vision des systèmes humain, social, politique et culturel, avec tout ce que cela entraîne en subjectivité et préjugés.

Et si… Que serait aujourd’hui la société nord-américaine si, plutôt que de la considérer comme primitive et « sauvage », les Européens qui ont colonisé l’Amérique du Nord s’étaient inspiré, ne serait-ce qu’en partie, de la philosophie holistique, humaniste et purement écologiste des Autochtones, qui considèrent les végétaux et les minéraux, comme les humains et les animaux, en tant que parties intégrantes et liées d’un écosystème ? Est-ce qu’empreints de cette façon de concevoir le monde dans lequel nous vivons, nous ne serions pas aujourd’hui plus respectueux de l’environnement, de la nature et des êtres vivants ?

Et si… Permettons-nous donc de rêver… à rebours.


[1]     Jérôme, Laurent. KA ATANAKANIHT : la « déportation » des Innus de Pakuashipi (Saint-Augustin). Recherches amérindiennes au Québec, 41 (2-3), 2011.

[2]     Lapointe, Magalie, Joveneau et Ottawa avaient un plan machiavélique de déportation, Journal de Montréal, 25 mars 2018

[3]     Gill-Couture, Jérôme, Commémorer, guérir, transmettre : la résilience des Innus de Pakuashipi, Radio-Canada.ca, juillet 2023

[4]     Gill-Couture, Jérôme, ibid

[5]     LARRÉ, Lionel, Histoire de la nation cherokee, Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux, Collection Parcours Universitaire, 2014

[6]     « Lorsque l’école se trouve sur une réserve, l’enfant vit avec ses parents, qui sont des sauvages; il est entouré de sauvages, et bien qu’il puisse apprendre à lire et à écrire, ses habitudes, son développement et sa manière de penser restent indiens. Il est, simplement, un sauvage qui sait lire et écrire. On m’a fortement recommandé, en tant que chef de ce département, de préserver le plus possible les enfants indiens de l’influence parentale, et la seule façon d’y arriver serait de les envoyer dans des écoles de formation industrielles et centralisées, dans lesquelles ils pourront acquérir les habitudes et les modes de pensées des hommes blancs. »
John A. Macdonald, Rapport officiel des débats de la Chambre des Communes
du Dominion du Canada, 9 mai 1883.

[7]     « Je veux me débarrasser du problème autochtone. Je ne crois pas, justement, que ce pays doive continuer à protéger une classe de personnes parfaitement capables de se prendre en charge. Voilà tout l’objet de mon propos… Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus
un seul Autochtone au Canada qui n’ait pas été assimilé dans le corps politique,
qu’il n’y ait plus de question autochtone ni de ministère des Affaires indiennes. »
Duncan Campbell Scott, surintendant adjoint du ministère des Affaires indiennes, 1920

En 2015, la Commission de vérité et de réconciliation du Canada déclare que le système de pensionnats autochtones, dont Duncan Campbell Scott a supervisé l’assimilation des enfants autochtones, a mené à un génocide culturel.

[8]     Rivard, Étienne, Les Bois-Brûlés et le Canada français : une histoire de famille éclatée. Bulletin d’histoire politique, Vol 24, no 2, 2016

[9]     Gill-Couture, Jérôme, op. cit

Nettoyer l’histoire

Ils étaient l’Amérique
DE REMARQUABLES OUBLIÉS TOME 3
Serge Bouchard
Marie-Christine Lévesque
LU
X

« L’histoire écrite par les vainqueurs coloniaux relève presque toujours de la fabulation et du mensonge coupable. Le criminel se justifie, il habille de vertu ses actes inavouables. » [1].

« Quand cela fait notre affaire, on refuse à certains évènements historiques en particulier le droit de passer à l’histoire. » [2]


Ces deux phrases, que l’on retrouve dans les dernières pages d’Ils étaient L’Amérique, de Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, résument parfaitement l’essence de ce livre de mémoire : montrer comment on nous raconté des histoires échafaudées, souvent basées sur des massacres, pour faire des « Indiens » des êtres ignorants et malfaisants et, du même coup, donner le beau rôle aux « découvreurs » blancs qui évangélisaient et éduquaient les méchants sauvages pour les sauver. S’il y a un véritable massacre que l’on peut aujourd’hui déplorer, c’est bien celui de l’histoire… par des historiens. Ces commis des États coloniaux et dominateurs ont durant des siècles camouflé la vérité et enjolivé l’histoire à la faveur de ceux de qui ils étaient à la solde, trahissant ainsi la nature même de leur profession.

Bien sûr, on savait déjà que l’histoire du Canada qui nous a été racontée quand nous étions enfants, toute blanche d’un côté et toute noire de l’autre, était un tissu de mensonges et d’omissions. Puis, à la fin du XXe siècle, un certain revirement, plus ou moins heureux, s’est opéré : les colonisateurs français et anglais étaient devenus les vilains qui avaient abusé des bons et pauvres Autochtones, naïfs et confiants devant l’envahisseur, en leur échangeant des pacotilles contre des pelleteries de toutes sortes et en fomentant la guerre entre les nations.

Serge Bouchard remet ici les pendules à l’heure, avec humanisme et respect — pour qui en mérite. Les Autochtones n’étaient pas que des guerriers redoutables, ils étaient aussi de très bons négociateurs pour monnayer leurs fourrures dans les postes de traite et défendre leurs droits. Ils étaient L’Amérique est un livre sociographique extrêmement riche en détails historiques et en données ethnographiques. Le nombre de nations et de grands personnages autochtones — Anadabijou, Kondiaronk, Tessouat, Membertou, Pontiac — qui sont nommés dans ce livre nous met cruellement en face de l’ignorance que nous avons de l’histoire des Premières Nations d’Amérique du Nord.

Si ce livre a été écrit par Serge Bouchard, il est aussi fort justement attribué au travail de recherche de sa muse et complice de vie, Marie-Christine Lévesque. Et, comme l’écrit son éditeur Mark Fortier, « il a grandi dans la douleur des pertes [3] », car Marie-Christine est décédée du cancer en juillet 2020, dans des circonstances cruelles, en pleine pandémie de Covid-19, ce qui empêchait Serge et leur fille Lou de lui rendre visite à l’hôpital.

Il est difficile d’imaginer dans quel état d’esprit Serge Bouchard a écrit Ils étaient L’Amérique, à la fois miné par la perte de son amoureuse et animé par la volonté de livrer une œuvre posthume qui serait à la hauteur de la qualité de son travail de recherche et ce, alors que sa propre santé déclinait. Bouchard évoque d’ailleurs les « trahisons du corps » [4] pour parler de la mort de Champlain, en 1635, et de Tessouat l’année suivante. Mais comme rien n’est dit dans le livre à propos de la déchéance de la santé de ceux-ci, on peut présumer que Bouchard utilisait cette expression pour nommer sa propre dégénérescence physique, qui le mènerait bientôt à la mort.

Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque ont été des « nettoyeurs » de l’histoire. Mais il faut beaucoup de travail et d’engagement et surtout de temps pour ramener la vérité à la surface. Un exemple probant de cela : bien que le général Jeffery Amherst soit reconnu depuis longtemps comme un criminel de guerre ayant utilisé de tactiques innommables pour exterminer des Autochtones, il aura fallu attendre jusqu’en 2019 pour que Montréal change le nom controversé de sa rue Amherst par Atateken — en mohawk, fraternité; frère et sœur — et jusqu’en 2023 pour que Gatineau fasse de même et renomme la sienne Wìgwàs — bouleau blanc, en anishnaabemowin — à la demande d’aînés de la Première Nation Kitigan Zibi.

Et il ne fait nul doute que leur travail de vérité et de dénonciation a aussi contribué à ce que le conseil municipal de Montréal décide de ne pas remettre en place la statue de John A. McDonald, un raciste notoire, dont la tête de pierre avait roulé au sol lors d’une manifestation. Et à Ottawa, la promenade Sir-John-A.-Macdonald portera bientôt le nom algonquin Kichi Zībī Mīkan, qui signifie chemin de la grande rivière.

L’éditeur termine le livre sur deux mots qu’on peut dire à la base de tout le travail de Serge Bouchard et de Marie-Christine Lévesque : combattre l’oubli. Mais l’oubli ne peut se combattre sans attaquer ses pires ennemis : le mensonge et la distorsion des faits historiques. C’est ce travail de vérité et de réconciliation qu’ont fait Bouchard et Lévesque. Ne l’oublions pas, car nous — et ce nous est inclusif — leur devons beaucoup.

« L’histoire à son envers, l’histoire a ses revers, mais il y aura toujours une autre façon de voir ». Que la voix chaude de Serge Bouchard racontant histoire oubliée après histoire oubliée nous demeure en mémoire. En mémoire de la vérité et en mémoire de ce grand anthropologue et de Marie-Christine Lévesque. Merci.


[1] Ils étaient l’Amérique, page 273, Bouchard, Serge et Lévesque, Marie-Christine © Lux Éditeur 2022
[2] Ibid, page 262
[3] Ibid, page 11
[4] Ibid, page 181

Le FLQ dans la cinématographie québécoise

Le Front de libération du Québec en 250 œuvres
Sylvain Garel, Éditions SOMME TOUTE

« Pour les Québécois, le cinéma est une manière efficace et poétique,
surtout pour un peuple qui a été conquis, d’exorciser avec sensibilité
un traumatisme collectif qui les a marqués au fer rouge et qui,
depuis, fait partie de leur identité. »
– Félix Rose, postface

Je m’intéresse depuis toujours à l’histoire du Front de libération du Québec; j’ai des souvenirs marquants de la Crise d’Octobre 1970, tant de chez moi qu’à l’école, même si je n’avais alors que 11 ans. J’attendais donc avec beaucoup d’intérêt cet ouvrage de l’historien français Sylvain Garel, professeur et critique, spécialiste de la cinématographie québécoise, qui a fondé et dirigé dans les années 1990 le Festival du cinéma québécois à Blois, en Pays-de-la-Loire.

Avant d’en débuter la lecture, je discutais avec Félix Rose, qui signe la postface du livre de Sylvain Garel, et je lui parlai comme ça d’un projet de film que je voulais faire il y a plusieurs années avec son père, Paul, un ami de longue date, et son oncle Jacques, deux « acteurs » d’Octobre 1970. Le titre de ce projet de film, pour lequel je n’avais pu obtenir le soutien pour l’écriture, était De Percé à Octobre. Je voulais montrer ce qui s’était passé entre l’été 1969 à la Maison du pêcheur, à Percé, et les évènements d’octobre 1970. « Ben oui, me dit Félix, il en parle dans le livre! » Quoi ? Garel aurait eu accès aux archives des projets refusés par le Conseil des Arts et des Lettres du Québec et le Conseil des Arts du Canada ?

Puis, je me suis souvenu que Sylvain Garel m’avait appelé il y a quelques années, comme sans doute une centaine d’autres personnes ayant écrit ou réalisé — ou ayant tenté de le faire — des documentaires, en nette majorité, ou des films de fiction, de court, moyen ou long métrage. On apprend dans ce volumineux livre de 600 pages, incluant l’index des films, celui des noms cités, la bibliographie, etc. que le FLQ a inspiré, dans le nœud même de l’histoire ou ne serait-ce qu’en filigranes, plus de 200 films. Ce à quoi on peut ajouter les nombreux livres, articles de fond ou autres écrits, des documents radiophoniques ou télévisuels, des pièces de théâtre et tutti quanti. D’où le sous-titre Le Front de libération du Québec en 250 œuvres. Ce qui ne manque pas d’impressionner quand on pense que, somme toute, le FLQ n’aura duré que 10 ans, soit de 1962 à 1972.

On y réfère bien sûr aux cinéastes majeurs que sont Pierre Falardeau, Pierre Perrault, Michel Brault, Jean-Claude Labrecque et ces autres qui avaient le Québec libre chevillé à l’âme, mais on peut maintenant, grâce à ce magistral ouvrage, avoir un tableau complet de tout ce qui a été fait autour des sujets en lien avec le FLQ et l’histoire du Québec. Car, avant de tomber dans les descriptions très détaillées de chacun des films que présente son livre, Sylvain Garel nous offre, sur 150 pages, un portrait historique fouillé et éminemment rigoureux du Québec de cette époque.

Loin d’être un simple répertoire de films, Le FLQ dans la cinématographie québécoise s’inscrit désormais comme une œuvre littéraire majeure incontournable sur l’histoire du FLQ, rejoignant en cela le livre que certains surnomment la « Bible du FLQ », FLQ Histoire d’un mouvement clandestin, de l’ex-journaliste Louis Fournier, qui fut le premier à lire sur les ondes de la radio CKAC le Manifeste du Front de Libération du Québec, ce qui lui valut d’être arrêté par la police. Louis Fournier signe d’ailleurs la préface de ce livre.

Ironiquement, c’est l’implication politique — pour les Verts — et la paternité de Sylvain Garel qui aura permis à ce livre d’être écrit et publié. Car, au début des années 2000, sa recherche exhaustive était destinée à devenir une thèse de doctorat à la Sorbonne, ce que ses obligations professionnelles et familiales l’ont empêché de réaliser. Loin de moi l’idée de minimiser l’importance des thèses universitaires, mais on peut affirmer sans risque de se tromper que Sylvain Garel rejoindra beaucoup plus de lecteurs avec son livre qu’il ne l’aurait fait dans le cénacle universitaire. Et ce, au bénéfice de la connaissance de notre histoire.