Dire NON à une hausse de 75% des frais de scolarité

Par Jacques Bérubé

La langue de bois a toujours sa place bien au chaud au gouvernement du Québec. De passage à l’émission Tout le monde en parle, la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, n’a à peu près jamais parlé de hausse des frais de scolarité pour les étudiants universitaires, mais plutôt de la hausse du financement des universités. J’appelle cette manière de dire que le sous-financement des universités est dû aux étudiants, qui paieraient depuis trop longtemps des frais de scolarité trop bas, un argumentaire de bas étage, servant plus à détourner les regards du laxisme du gouvernement Charest dans l’administration de l’éducation depuis son arrivée au pouvoir, en 2003.

Le gouvernement Charest n’a su empêcher l’UQAM de se crasher dans un désastre d’incompétence et d’incurie administrative, l’Îlot Voyageur, qui a englouti en pure perte plus de 500 millions. Il n’a pas plus bronché quand les deux principaux responsables de ce projet, recteur et vice-recteur, ont quitté en empochant plus de 300 000 $ en primes de séparation ou quand une autre université sous-financée, Concordia, a payé 1,7 million à ses deux derniers recteurs, partis après avoir été deux ans seulement en poste.

À elles seules, ces sorties incontrôlées représentent plus de 300 000 fois la hausse annuelle de 1625 $ que le gouvernement veut maintenant enfoncer dans la gorge des étudiants, devenus des ennemis de l’État.

Personne ne devrait accepter que le gouvernement du Québec impose une hausse de 75 % des frais de scolarité aux étudiants universitaires. PERSONNE! Qu’Hydro-Québec se ramène demain avec une hausse de 75% des tarifs aux usagers et nous assisterons aussitôt à une levée de boucliers sans précédent.
Mais les étudiants, ah, les étudiants…

Ils ont tous un iPhone!
Y a-t-il un âge et un statut social qu’il faudrait avoir atteint avant de pouvoir utiliser les technologies numériques, technologies qui, de surcroît, sont utilisées de façon formelle et efficiente dans les études et le travail ?

Ils paient moins cher qu’ailleurs au Canada…
Est-ce que le fait que les frais de scolarité au Québec soient parmi les plus bas en Amérique du Nord ne devrait pas être une source de fierté nationale plutôt qu’une simple donnée statistique de comparaison ? Est-ce que les Québécois ne devraient pas clamer leur fierté de faire partie des pays qui, comme plusieurs en Europe, investissent dans « l’actif » à long terme que sont les étudiants, plutôt que de vouloir être comparés à d’autres provinces canadiennes ou à des pays capitalistes et élitistes comme les États-Unis?

De plus en plus de voix s’élèvent pour demander au gouvernement Charest de s’asseoir avec les représentants étudiants pour négocier une solution mitoyenne. Peu de gens, dans les faits, s’opposent à une certaine hausse, raisonnable, des frais de scolarité. Mais celle promulguée par Jean Charest est de nature à rendre de moins en moins accessible les études universitaires. Et, de grâce, qu’on ne claironne pas que cette hausse sera compensée par une augmentation des prêts et bourses — dans une proportion 90% prêt/10% bourse — parce que cela ne changera rien à la situation d’endettement à long terme dans laquelle cette mesure antisociale installera les étudiants.

Le plus odieux de cette saga, c’est que tous les membres du gouvernement libéral qui, sous le faux prétexte de vouloir responsabiliser financièrement les étudiants, instaureront cette hausse abusive des frais de scolarité, ont eux-mêmes bénéficiés de ces bas taux pour se rendre là où ils sont.

Les libéraux ne casseront pas, alors, cassons les libéraux! Si Jean Charest et Line Beauchamp sont si persuadés d’avoir raison, qu’ils aillent en élection. Ils seront jugés par la population, non seulement sur cette position rigide et dangereuse, à court terme, pour l’avenir du Québec, mais sur l’ensemble de leur bilan.