Votons progressiste

Dans l’optique où un mouvement populaire se forme en faveur d’un vote progressiste (pour le parti Québécois, là où Québec solidaire n’a aucune chance d’être élu et pour Québec solidaire là où le PQ ne peut espérer la victoire), voici quelques circonscriptions électorales ou un vote progressiste pourrait avoir un résultat concret.

Bien sûr, une telle stratégie est, à court terme, plus avantageuse pour le PQ, qui pourrait faire élire plus de députés, que pour QS, mais cela pourrait tout de même permettre à ce parti de faire élire 8 à 9 députés — ils sont actuellement 3 — au lieu des 5 ou 6 que prévoient tous les sondages. Des comtés comme Jean-Lesage, dans la région de Québec et Maurice-Richard, dans Montréal-Est, pourraient être remportés par QS.

Il peut être difficile pour les sympathisants de QS de voter PQ, après les attaques subies la semaine dernière de la part de Jean-François Lisée, puis par le sinistre Gilles Duceppe, mais reconnaissons que QS ne s’est pas gêné pour attaquer le PQ dans les dernières années (droite, identitaire, raciste, etc). Rappelons-leur aussi que le chef Lisée n’est pas le PQ et que Duceppe est hors-circuit depuis longtemps et qu’il ne joue plus aucun rôle en politique québécoise.

La question cruciale que doivent se poser les militants QS est : Le Québec sera-t-il mieux servi par une opposition qui comporte 7, 8 ou 9 députés solidaires et 22 à 25 députés péquistes issus de deux partis souverainistes qui ont pris des engagements en faveur de l’environnement, de l’éducation, du salaire minimum à 15 $ ou par un plus grand nombre de députés caquistes et libéraux ou peut-être même, si la division du vote progressiste perdure ou s’accentue, par un gouvernement majoritaire dirigé par l’un ou l’autre de ces partis de droite?

Pour chaque candidat PQ ou QS élu, c’est un caquiste ou un libéral de moins au gouvernement!

Les statistiques qui suivent proviennent du site tooclosetocall.ca (beaucoup plus crédible, à mon avis, que Québec125.com)

Comtés que pourrait gagner le PQ si les sympathisants QS votent PQ

POINTE-AUX-TREMBLES (Jean-Martin Aussant, pour le PQ)
PQ : 32,8  CAQ : 30,6  QS : 20,1

SAINT-JÉRÔME (Pour la CAQ, Youri Chassin, « apôtre » de la droite économique)
CAQ : 40,5 PQ : 32,7  QS 13,1

JOLIETTE (Véronique Hivon, pour le PQ)
PQ : 45,9  CAQ : 37  QS : 18

VERCHÈRES
CAQ : 37,9  PQ : 35,5  QS : 12,5

TAILLON
CAQ : 32,6  PQ : 26,9 QS : 17,8

RICHELIEU
CAQ : 38,3  PQ : 28,8  QS : 14

BEAUHARNOIS
PQ : 33,5  CAQ : 31,4  QS : 12,3

JONQUIÈRE
CAQ : 34,2  PQ : 32,8  QS : 16,2

DUBUC
PLQ : 28,2  PQ : 25,7  QS : 15,9

BERTRAND
CAQ : 37,7  PQ : 28,8  QS : 19

ÎLES-DE-LA-MADELEINE
PLQ : 39,2  PQ : 32,6  QS : 17,9

Comtés supplémentaires (en plus de 6 ou 7 prévisibles) que pourrait gagner QS si les sympathisants PQ votent QS

JEAN-LESAGE (Sol Zanetti)
CAQ 30,3  QS : 25,7  PQ : 20,7  PLQ : 20,3

MAURICE-RICHARD
PLQ : 30,3  QS : 24,2  PQ : 24,5

En conclusion, je me permets de reproduire ici un texte du créateur, metteur en scène et activiste Dominic Champagne, qui exprime parfaitement comment bon nombre d’électeurs progressistes se sentent à deux jours de l’élection de 2018.

si j’étais dans gouin je voterais pour gabriel nadeau-dubois de qs !
si j’étais dans pointe aux trembles je voterais jean-martin aussant du pq
si j’étais dans taschereau je voterais catherine dorion de qs
si j’étais dans prévost je voterais paul st-pierre plamondon du pq
si j’étais dans jean-lesage je voterais sol zanetti de qs
si j’étais dans johnson je voterais jacques tétreault du pq
si j’étais dans hochelaga-maisonneuve je voterais alexandre leduc de qs
si j’étais dans st-hyacinte je voterais pour daniel breton du pq
si j’étais dans sainte-marie saint-jacques je voterais pour manon massé
si j’étais dans joliette je voterais pour véronique hivon du pq
si j’étais dans mercier je voterais pour ruba ghazal de qs
si j’étais dans rosemont, je voterais… pour marissal et pour lisée (juste pour leur faire sentir le prix de cette division)

je ne peux pas croire que les forces progressistes 
se divisent autant 
et n’arrivent pas à s’entendre sur un minimum décent
pour que ces femmes et ces hommes de bonne volonté 
qui ont à coeur la défense du bien commun 
puissent exercer le pouvoir entre notre nom
et qu’il y ait, ne serait-ce qu’une priorité accordée
à la transition écologique, à l’éducation et à la réforme du scrutin

il y a dans les programmes de qs et du pq suffisamment de consensus
pour un beau gros mandat

en lieu et place de l’aristocratie libérale 
qu’on risque maintenant de remplacer
par les parvenus de la CAQ qui n’ont aucune considération pour l’environnement…

tout ce chamaillage me désespère…
encore une fois à cette élection
je me sens orphelin d’une force politique 
représentative de nos aspirations
susceptible de former un gouvernement majoritaire

je serai dans la rue demain à manifester pour que la planète s’impose dans cette campagne, à m’indigner contre l’engeance qui ramènera les mercenaires au pouvoir
encore une fois…

je crains fort qu’il faudra malheureusement continuer de s’indigner

mais il faudra surtout nourrir notre capacité à nous rallier

à notre capacité d’indignation devra répondre 
notre capacité de rêver ensemble
pour nourrir l’idéal de ce monde 
dans lequel nous voulons vivre

sans quoi nous continuerons de nous enliser
héritiers d’une tranquillité sans révolution
dans le confort et l’indifférence

  • Dominic Champagne

Lisée n’est pas le PQ; QS n’est pas Châteauneuf. Votons progressiste!

La phrase qui a été la plus dite ou écrite depuis quelques jours est sans nul doute : « Quelle mouche a piqué Lisée ? » Et personne, sinon lui — et encore! — n’a la réponse. Ses conseillers ont échappé ses rênes. Il a décidé seul d’aborder la dernière semaine de la campagne en loose canon, en kamikaze, pour le meilleur et pour le pire. Et il y a fort à parier que ça sera pour le pire, ce qui en dit long sur l’esprit d’équipe de ce chef qui, en bout de ligne, s’avère déficient pour son parti! Un suicide politique, ça se commet seul!

Pour dire vrai, même si je n’aime pas particulièrement Vincent Marissal, dont le parcours politique — passer du Parti libéral du Canada de Justin Trudeau à Québec solidaire — me répugne, j’en viens presque à souhaiter que Jean-François Lisée soit battu dans Rosemont pour que le Parti québécois en soit débarrassé!

Le sphinx reste imperméable aux nombreuses critiques qui fusent de toutes parts et poursuit sa pathétique croisade contre Québec solidaire, qu’il présente comme un sinistre repère de communistes assoiffés du sang des entreprises privés et des épargnes des gagne-petits. On n’est pas loin du maccarthysme ou du moins, des discours que faisaient en 1970 des dinosaures de l’Union nationale — disparue depuis! — en comparant le PQ aux communistes de Castro à Cuba.

Les récentes sorties de Lisée ne valent pas mieux que celles de Philippe Couillard quand il agite les spectres d’un référendum ou des expulsions d’immigrants. Petite politique, politique de peur, politique mesquine. Et Lisée l’a prouvé pendant la course à la chefferie du PQ, il peut être très mesquin et sournois quand il croit que cela peut le servir. Associer son adversaire Alexandre Cloutier, un militant digne et intègre, à l’imam radical Adil Charkaoui était un coup bas qui l’a servi, lui, bien plus que son parti. Et c’est encore ce qu’il fait aujourd’hui; il attaque à sa gauche et se fait dépasser par la droite et son plan de match nuit à plusieurs candidates et candidats du PQ. Jacques Parizeau aurait dit de Lisée qu’il s’auto-peluredebananise!

Que Québec solidaire abrite dans ses hautes sphères décisionnelles quelques porteurs égarés — pour ne pas dire attardés — d’idéologies marxiste, trotskyste ou tuttiquantiste d’extrême gauche est très probable; le PQ n’a pas l’exclusivité des relents passéistes et il ne faut pas être le pogo le plus dégelé de la boîte pour comprendre ça. Mais présenter ce parti issu de la fusion de plusieurs mouvements de gauche comme un parti marxiste téléguidé par un quelconque politburo relève de la paranoïa. C’est du même coup considérer des gens comme les ex-députés Amir Khadir et Françoise David et les Manon Massé, Gabriel Nadeau-Dubois et autres Catherine Dorion comme de vulgaires pions manipulés par un pouvoir occulte. C’est méprisant!

Non, Québec solidaire ne se prépare pas à ancrer le cuirassé Potemkine devant le port de Montréal et ses membres auront toujours la possibilité de renvoyer les vieux chefs ronger leur frein dans les oubliettes de leur courte histoire.

Ce que devra aussi faire le PQ au lendemain de l’élection du 1er octobre.

Résignons-nous, le Québec sera dirigé pendant un certain temps par un gouvernement de droite, qui sera de la CAQ ou du PLQ, mais il y a de fortes chances que ce gouvernement soit minoritaire. Il est donc important que les deux partis plus à gauche sur l’échiquier politique, le PQ et QS, constituent une balance du pouvoir solide.

Que le Parti québécois soit relégué à la position de deuxième opposition avec moins de vingt députés élus n’est pas un drame en soi, pourvu que restent dans la frêle barque — car c’est bien ce qu’est devenu le PQ — les Véronique Hivon, Jean-Martin Aussant et Catherine Fournier, pour nommer les plus connus, et des députés de cœur comme Martin Ouellet, dans René-Lévesque, sur la Côte Nord, Harold LeBel, dans Rimouski — reconnu par l’ensemble des députés de l’Assemblée nationale comme celui qui représente le mieux son comté — et plusieurs autres, des personnes intègres, résolument à gauche, au moins autant que plusieurs candidats et candidates QS, qui méritent pleinement d’être élus dans leur comté respectif. Ce sont de telles personnes qui pourront dépoussiérer la demeure du PQ et la débarrasser de ses fantômes agitateurs de vieilles peurs pour remettre le parti sur les rails qui mènent à la véritable social-démocratie dont les Boisclair, Marois, Péladeau et autres Drainville l’ont éloigné. Remarquez que je ne place pas Jean-François Lisée parmi ces derniers, car je le considère, malgré tous ses défauts, comme un véritable homme de gauche. Ce n’est pas là que réside son principal problème. Il n’est pas le capitaine dont ce parti a besoin pour se reconstruire, il n’est pas un rassembleur.

Ce capitaine, « cette capitaine », devrais-je dire, est déjà en place. Elle s’appelle Véronique Hivon.

Jean-François Lisée a prouvé dans la dernière semaine qu’il était trop vaniteux et orgueilleux pour lancer un cri de ralliement aux votants, principalement aux jeunes de 18 à 34 ans qui, selon certains sondages, seraient tentés de voter pour les libéraux ou la CAQ, pour les inciter à « voter progressiste ». Ses récentes attaques contre QS rendent caduque une initiative populaire, solidaire et surtout très humble qui aurait peut-être pu mener à des résultats surprenants.

Souhaitons maintenant que les jeunes et les plus vieux dont le cœur bat toujours à gauche fassent le choix par eux-mêmes, sans avoir d’appel en ce sens, de VOTER PROGRESSISTE, quitte à faire un petit saut vers la gauche ou vers le centre. Les partis ne veulent pas faire d’alliances stratégiques ? Bloquons alors la droite sur une base individuelle en votant pour le PQ là où Québec solidaire n’a aucune chance de remporter l’élection et où des courses serrées se jouent entre la droite et le PQ — par exemple à Saint-Jérôme, où il faut bloquer Youri Chassin, apôtre de la droite économique de la CAQ, à Pointe-aux-Trembles et Marie-Victorin, là où Jean-Martin Aussant et Catherine Fournier doivent être élus et à Rimouski, avec Harold LeBel. Et en votant QS là où le PQ n’a aucune chance et que Québec solidaire est en position de victoire, comme dans la région de Québec, dans Taschereau, pour Catherine Dorion, et dans Jean-Lesage, pour Sol Zanetti, ou dans la circonscription de Maurice-Richard, dans Montréal-Est, pour Raphaël Rebelo.

Pour tout péquiste ou solidaire élu, c’est un caquiste ou un libéral de moins au gouvernement. Et n’oublions pas que Jean-François Lisée n’est pas le PQ, pas plus que Québec solidaire n’est son chef, dit trotskyste, Gaétan Châteauneuf.

Lettre à ma fille : Désarroi et désillusion

Ma très chère fille,

Tu m’as dit sans détour — ce n’est pas ton genre, tu es ma fille! — que tu n’as pas aimé mes réactions et celles d’autres personnes de ma génération pendant la dernière campagne électorale quand nous avons vu les libéraux remonter dans les sondages pour finalement reprendre le pouvoir après seulement 18 mois de « purgatoire ». Pourtant, je n’ai exprimé mon désarroi et ma désillusion devant ce que je considérais comme une menace aux valeurs sociales et politiques que je défends depuis toujours de la même façon que je le fais souvent, avec dérision et cynisme, par des montages photographiques sur ma page Fesse de bouc. Et, chère fille que j’adore, admets-le, je n’ai pas été plus méchant que bien d’autres et je me suis sûrement plus amusé. Le vieux gauchiste que je suis, désabusé de la politique actuelle, si peu porteuse d’espoir et toute tournée vers le cocooning et les valeurs individuelles aurait pu faire pire.

Je récris ces mots, ma fille d’amour, pour que tu les saisisses bien : désarroi et désillusion. Auxquels j’ajouterai perte de confiance envers le peuple votant et déception totale devant son niveau d’intérêt et de compréhension des enjeux de notre société québécoise. Et le désarroi et la désillusion, ma chérie, c’est comme certains autres bobos, ça fait beaucoup plus mal dans la cinquantaine!!!

Tu as écrit que les gens de notre âge manquaient de respect dans leurs attaques contre les fédéralistes. Mais tu as aussi écris : « (…) peut-être que je penserais différemment si j’avais connu Lévesque ». Je te confirme que oui et j’ajoute que je suis touché et fier qu’à ton âge, tu puisses référer à René Lévesque et aussi à Jacques Parizeau que tu vois comme « un vrai et un grand ». Parce que les indépendantistes de mon âge sont tous filles et fils de Lévesque et de Parizeau. Ces deux-là, par des chemins différents, ont fait avancer plus que quiconque le Québec en portant toujours bien haut le projet d’un pays. Et ils étaient épaulés en cela par des Camille Laurin, Lise Payette, Bernard Landry et autres femmes et hommes politiques — et non politiciens — de haut niveau. Et nous y avons cru en ce pays en devenir qui s’appuyait alors sur un véritable projet de société : équitable, juste, humaniste et social-démocrate pour de vrai! Et comment que nous y avons cru!

Pour que tu comprennes bien ce qui a lentement et insidieusement mis en place ce qui cause aujourd’hui notre désarroi et notre désillusion, je t’écris en quelques mots ce que nous avons vécu dans les 40 dernières années.

15 novembre 1976 : René Lévesque et le Parti Québécois prennent le pouvoir de façon triomphale en battant les Libéraux de Robert Bourassa qui avaient pourtant fait élire, trois ans plus tôt, 102 députés sur 108. «Je n’ai jamais pensé que je pouvais être aussi fier d’être Québécois… que ce soir. On n’est pas un petit peuple, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple!», nous lance alors René Lévesque de la tribune du Centre Paul-Sauvé, accompagné de nombreux nouveaux élus qui formeront avec lui ce qui est toujours considéré comme l’un des meilleurs gouvernements de l’histoire du Québec.

20 mai 1980 : Premier référendum, première défaite amère. J’avais 21 ans, plus jeune que toi aujourd’hui, et j’avais déjà la passion du pays du Québec au cœur depuis longtemps. 60 % de la population ont dit non à une trop longue question qui parlait plus de négociations que de pays, question qui avait été concoctée par l’un des bras droits de René Lévesque qui travaillait pour les services secrets canadiens depuis plus de vingt ans. Et à fourbe, fourbe et demi, le premier sinistre canadian Trudeau, qui avait fait emprisonner sans mandat plus de 500 personnes dix ans plus tôt avec la loi sur les mesures de guerre, avait faussement mis en jeu les sièges de ses fédérastes dépités du Québec en demandant aux Québécois de miser une autre fois sur le fédéralisme qu’il promettait de renouveler.

Petit baume de fierté au cœur en cette triste soirée : aux côtés des irréductibles Gaulois du Saguenay et du Lac-St-Jean, Rimouski a été l’un des six comtés du Québec où le OUI l’a emporté, avec 54 % du vote.

1982 : la Nuit des longs couteaux. Manipulés par le fou du roi de Trudeau, Jean Chrétien, les Premiers ministres des provinces canadiennes renient les ententes prises avec le Québec et signent en pleine nuit une constitution « renouvelée » à la sauce Trudeau-Chrétien qui affaiblit et isole le Québec. C’est le début de la fin pour René, qui démissionnera en 1985 et mourra subitement le 1er novembre 1987, laissant tout notre non-pays dans un deuil d’une tristesse inouïe. Même ton grand-papa, ma schnoupine, qui était fédéraliste à tout crin, m’avait alors avoué son chagrin de voir partir ce grand homme.

La mort du père du PQ incite Jacques Parizeau, qui avait quitté la politique en 1984, à revenir. Il prend la tête du parti en 1988. Le rêve renait et clairement, ce chef ne passera pas par quatre chemins pour nous y mener. Le PQ reprend le pouvoir en 1994 et Parizeau promet un référendum dès l’année suivante.

30 octobre 1995 : Deuxième référendum, campagne enlevante. Le chef du Bloc québécois Lucien Bouchard a rejoint Jacques Parizeau sur les tribunes du OUI qui mène invariablement dans les sondages. Paniqués, les Chrétien, Johnson et Charest prennent les grands moyens, faisant fi des règles. Pour « sauver » le Canada, tous les coups étaient permis : certificats de citoyenneté émis en grand nombre à la hâte aux nouveaux immigrants — « il faudra voter non, sinon… » —, « love-in » d’anglophones qui n’étaient jamais venus au Québec et qui n’en avaient rien à foutre mais qui ont profité des voyages gratuits offerts — dépenses non comptabilisées dans la campagne du NON— par Air Canada, Via Rail, all canadian etc — pour venir chanter faux la pomme aux Québécois le temps d’une brosse à Montréal sur le bras du fédéral. « We love you [dear fuckin’ frog], stay with us, we need you, please don’t separate! »

OUI : 49,4 % NON 50,6 %
54 000 votes de différence sur 4 671 000 votants.

N’ayant pu atteindre ce qui était son objectif ultime, Jacques Parizeau démissionne. Lucien Bouchard lui succède. Alors tranquillement, après ces coups durs, le projet a commencé à s’effriter et à n’être plus porteur des visions et façons de penser et de vivre qui constituaient sa base. Le Parti Québécois a commencé à dévier de l’objectif qui avait été le sien depuis sa création et qui aurait dû rester sa première raison d’être, l’indépendance du Québec. On nous serinait de bonne gouvernance, de déficit zéro, de conditions gagnantes, mais point de pays. On nous parlait bien de temps en temps de référendum, mais pas d’indépendance. Comme un charpentier qui nous parlerait de son marteau sans vouloir nous dire ce qu’il construira avec…

Puis Lucien Bouchard a quitté à son tour et Bernard Landry, ancien jeune péquiste devenu vieux de la vieille, a bravement pris la relève.

2003, désastre : Gros Jean comme de vent Charest et ses Rackham le Rouge prennent le pouvoir. Bonjour le favoritisme et la corruption érigée en système, au revoir les idées. Peu après, Bernard Landry a aussi quitté, victime de l’ère des spin doctors faiseurs d’images, pseudo professionnels de la stratégie et du marketing, venus en politique plus par ambition carriériste que par conviction. Conviction, ouate de phoque? Où achète-t-on cela ?

S’est alors amorcé la descente : le PQ a commencé à avoir peur de l’ombre de son option. Moins on en parlerait, mieux on se porterait. Lucien Bouchard était devenu un Père Fouettard se croyant plus lucide que le peuple et mangeait du Québécois pendant qu’un éphémère chef passait en coup de vent, le temps de quelques sourires et de plusieurs phrases creuses.

Et Pauline Marois est arrivée. On la surnomme la Dame de béton. Femme politique de grande expérience, mais très tiède souverainiste, elle réussit à devenir la première femme Première ministre du Québec. Durant 18 mois. Puis, elle s’effondre comme un viaduc de Montréal, aussi fait de béton.

Alors ma fille, voici où nous en sommes, en 2014 : le parti dans lequel nous avons cru trop naïvement et sans doute trop longtemps a lamentablement échoué à souffler sur les braises de la foi souverainiste, trop occupé qu’il était à vouloir le pouvoir et à parler de gouvernance et le vieux parti libéral est revenu au pouvoir, majoritaire de surcroit, élu par le bon peuple prêt à oublier pour acheter un semblant de stabilité — les vraies affaires! — à quel point Jean Charest avait malmené le Québec pendant neuf années.

Bien sûr, le PQ n’avait pas tout réglé d’un coup de baguette magique. Mais on n’a pas donné une bien grande chance au coureur. Tu me diras que c’est le PQ qui a décidé d’aller en élection en misant sur un piètre projet de charte plutôt que sur la souveraineté et tu auras raison. Mais maintenant, les jeux sont faits. Et pour longtemps.

Oui, Philippe Couillard se comporte dignement depuis son élection et il est infiniment plus respectable que son prédécesseur — la barre n’était pas haute —, mais je reste comme mes compagnons d’âge et de combat : amer, désillusionné et désabusé. Nous nous retrouvons non seulement orphelins d’un grand projet, mais aussi hébétés devant les tournures qu’a pris le courant politique dans les dernières années : droite conservatrice religieuse et réactionnaire au Canada et néolibéralisme pro-économie et valeurs individuelles au Québec.

Et les filles et fils de Lévesque et Parizeau que nous sommes vivons encore une fois un profond deuil; deuil du pays en lequel nous croyions et deuil des valeurs qui soutenaient ce grand projet.

Entrevue sur le sujet avec Jean-François Morency de Versus Radio : http://www.versusradio.net/downloads/files/156649/