Rhétorique, démagogie, opportunisme et… accessibilité

Par Jacques Bérubé

La rhétorique au service de la propagande
50 cennes par jour..! Le PLQ, sous le règne de Jean Charest, montre encore une fois, par l’utilisation de ce slogan populiste et combien mensonger, tout ce qu’il est prêt à faire pour se gagner l’opinion publique, tout autant que la vision économiste qu’a son gouvernement de l’éducation. Une fois partis, allons-y donc pour « Étudiez maintenant et payez dans un an » ou pourquoi pas, « Faites un baccalauréat, ajoutez une cenne et obtenez en deux ».

La même distorsion des faits par les mots employés s’applique quand ils parlent du financement des universités plutôt que de la hausse des frais de scolarité.

Parlons d’équité.
Qui osera prétendre qu’un projet qui fait payer davantage, année après année, les jeunes d’une société est équitable ? Puisque cela semble être le langage privilégié par le gouvernement Charest, laissons parler les chiffres. Dans l’éventualité où s’appliquerait la hausse ascenseur que le gouvernement veut imposer aux étudiants à partir de l’automne prochain, un jeune qui débuterait en 2012 subirait une hausse — s’ajoutant, ne l’oublions jamais, aux frais déjà établis — de 255 $ pour sa première année, puis, de 510 $ et de 765 $ pour les deux suivantes, pour un total de hausse de 1 920 $ pour trois ans. Celui qui commencerait en 2015 se taperait des augmentations de 1020 $, 1275 $ et 1530 $, pour une hausse totale de 3825 $, soit pratiquement le double de notre premier exemple, celui qui a terminé — si tout a bien été ! — au printemps 2015. Par la suite, chaque année d’université coûterait, selon le plan Charest-Beauchamp, 1785 $ de plus qu’aujourd’hui, donc 5355 $ pour trois ans et 7140 $ pour quatre ans.

Et ce calcul ne nous dit pas quelle partie de ces frais s’ajoutera à l’endettement déjà important des étudiants. Chaque ville du Québec n’est pas dotée d’une université; Montréal en a quatre, dont deux sont, pour ainsi dire, réservées à des « clientèles » — ici, ce mot s’applique vraiment — très aisées, Québec en a une, Sherbrooke en a deux — dont l’une, francophone, possède un campus, combien chic, à Longueuil — puis, le réseau des Universités du Québec, avec une quinzaine d’établissements, campus et centres spécialisés. Donc, en tout et partout, un peu plus de 20 institutions universitaires pour approximativement 1 200 municipalités, villages, villes, cantons et paroisses, disséminés dans un territoire immense, divisé en 17 régions administratives. Un très grand nombre d’étudiants doivent donc s’installer, pour quelques années, dans une ville dotée d’une université et payer, le plus souvent le gros prix, pour un logement, ses frais de subsistance et de loisirs et, oui, pour son iPhone — un outil de travail et de communication, quoi qu’on en dise ou en pense, son service Internet et le reste.

Si au moins on avait le courage politique et social d’admettre qu’avec un tel projet de hausse des frais de scolarité, notre société refuse que ceux qui ont aujourd’hui 20 ans et moins bénéficient du même régime d’accessibilité aux études que les dernières générations et qu’ils seront ceux qui paieront pour des incuries administratives dans les gestion des universités et pour le maintien des cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises et aux banques par les gouvernements.

Opportuniste ? Qui est opportuniste ?
La semaine dernière, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a annoncé que, s’il était élu, son parti ne ferait qu’indexer les frais de scolarité, en lieu et place de la hausse de 82 % prônée par les libéraux de Jean Charest. Il n’en fallait pas plus pour que de partout, les tenants de la hausse se lancent dans une pluie d’insultes de tout acabit envers le PQ. Et le mot qui revenait le plus souvent était opportunisme.

Désolé, mais, ce projet est tout sauf opportuniste. Et mon affirmation n’est en rien partisane. En politique, on est opportuniste quand on adopte des positions qui vont « dans le sens du vent », c’est-à-dire qui visent à racoler des électeurs en leur serinant ce qu’ils veulent bien entendre. Or, avec toute la désinformation que fait le Parti libéral depuis le début de la crise étudiante, celui-ci a, sans contredit réussi à faire qu’aujourd’hui, une majorité de Québécois sont en faveur d’une hausse importante des frais de scolarité. Selon les derniers sondages, près de 70 % de la population appuie la position gouvernementale de hausser les frais de scolarité. Alors, qu’on ne vienne pas dire que le PQ est opportuniste en prenant une position qui, à ce stade-ci, va à l’encontre de l’opinion générale. C’est même tout le contraire de l’opportunisme.

Le PQ propose une disposition qui représente ni plus ni moins qu’un choix de société. Une société qui décide de sortir du lot nord-américain, en prenant des positions qui, à l’instar de plusieurs pays d’Europe, favorisent l’accessibilité aux études supérieures.

Une société qui se respecte et surtout, qui respecte ses jeunes, ne devrait pas prendre la voie que veut lui imposer son gouvernement sortant, qui vise à faire payer ceux-ci de plus en plus cher, année après année, leurs études universitaires. Les conséquences à moyen et à long terme pour notre société seraient lourdes à porter.

Le Temps des scabs

Par Jacques Bérubé

Il y a quelque chose de pervers dans le tournant que tente de faire prendre le gouvernement Charest au conflit qui l’oppose aux centaines de milliers d’étudiants qui poursuivent leur GRÈVE contre une hausse abusive — 75 % en cinq ans — des frais de scolarité. J’écris GRÈVE en majuscules pour faire ma petite part afin de redonner son sens à ce mot que, dans le climat qu’installent depuis quelques semaines les tenants de la hausse, gouvernement, recteurs, entrepreneurs et étudiants, on tend à remplacer par « boycott des cours », comme pour prétendre que les étudiants ne bloquent rien et qu’ils sont les seuls perdants dans ce conflit.

« On ne doit pas céder le pas à l’intimidation », a affirmé le premier ministre, avant de se demander : « Dans quelle sorte de société on vit, si on accepte que des personnes sont intimidées parce qu’elles veulent aller étudier? » M. Charest a rappelé que « le Québec venait de faire un gros débat dans le domaine de la construction, on ne veut pas ça pour ailleurs, dans un autre secteur d’activité ». Ah oui? Un gros débat dans le domaine de la construction ? Où ça ? Quand ça ? Le seul débat dont nous nous souvenons, ce sont les incessantes pressions qu’ont dû faire des représentants de presque tous les secteurs de la société québécoise pour que le gouvernement Charest accepte enfin de tenir une enquête publique sur la corruption dans cette industrie.

Cette déclaration de Jean Charest, qui associe un mouvement de grève dûment entériné en assemblée à de l’intimidation, comme celle de la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, qui affirme que le mouvement étudiant n’est pas un mouvement de grève et que les étudiants qui veulent assister à leurs cours sont en plein droit de le faire, pue le déni du droit de grève. S’il y a intimidation quelque part, elle est politique et vient du gouvernement Charest. On peut évoquer l’intimidation politique quand un gouvernement décrète qu’il faut tout mettre en oeuvre pour que les étudiants, qui sont contre la grève et/ou pour la hausse des frais et qui, est-il utile de le rappeler, sont MINORITAIRES au sens de la démocratie, puissent, comme le dit la ministre Beauchamp, « exercer leur droit de recevoir leurs cours ».

C’est ce genre de pensée, plus affairiste et économique que politique, qui pousse des étudiants à déposer, sur une base individuelle, des injonctions qui visent à forcer, qui les étudiants en grève à cesser le piquetage, qui les institutions scolaires et les professeurs à reprendre les cours. Ce type de comportement, foncièrement anti-syndical et anti-collectiviste, pourrait-il s’étendre dans le milieu du travail ? Verra-t-on des travailleurs judiciariser des conflits de travail en poursuivant leurs syndicats pour casser un mouvement de grève légale et retourner au travail ? À lire et entendre les réactions de Jean Charest et de Line Beauchamp, il y a tout lieu de croire que c’est ce qu’ils souhaitent.

Diviser pour régner et, qui plus est, diviser par son plus petit dénominateur, l’individu, est bel et bien l’avenue que le gouvernement de Jean Charest et de Line Beauchamp ont choisie de prendre pour mâter la contestation qui n’est plus qu’étudiante, mais bien sociétale et nationale.

De partout, des voix s’élèvent et des mouvements sociaux se forment pour, entre autres choses, réclamer la démission de Line Beauchamp. Elle ne démissionnera pas, loin s’en faut, mais, au mieux, elle se retrouvera sous peu sur les banquettes de l’opposition.

Bon vent, madame!

Neuf ans!

Par Jacques Bérubé

Neuf ans, voilà ce qui semble être devenu le cycle de rotation du pouvoir au Québec. Selon les derniers sondages et surtout, selon toute pertinence — commentaire non-partisan —, le parti Québécois reprendra le pouvoir aux prochaines élections et ce, de façon majoritaire, neuf ans après l’avoir perdu aux mains du parti Libéral de Jean Charest. Ledit Charest a beau se targuer d’être le premier à avoir gagné trois élections de suite depuis Maurice Duplessis — belle comparaison! —, il aura été au pouvoir durant neuf ans, comme avant lui le PQ (1994-2003), le PLQ (1985-1994) et le PQ (1976-1985).

Avant cette première accession au pouvoir par le PQ, en 1976, le gouvernement du PLQ, avec Robert Bourasse en tête, n’avait conservé le pouvoir que durant deux courts mandats de trois années, secoué qu’il était par les crises — Octobre 70 et la Loi sur les mesures de guerre — et les scandales de toute sorte, celui de la viande avariée au premier plan.
Donc, si la tendance se maintient, le trône québécois verra de près une nouvelle paire de fesses dans les prochains mois. Bonne nouvelle, surtout pour ceux — ils sont légion et j’en suis — qui n’en peuvent plus de Jean Charest et de ses manières de gouverner.

Le Québec rejoindra vraisemblablement quatre autres provinces ou territoires du Canada — le temps qu’il en fait toujours partie! — qui ont élu des femmes Premières ministres. Avec son expérience au pouvoir comme ministre de la Santé, de l’Éducation, des Finances et présidente du Conseil du Trésor, les capacités à diriger le Québec de Pauline Marois ne font pas trop douter. Elle pourra, en plus, surfer un certain temps sur la vague d’insatisfaction soulevée par le gouvernement Charest, jusqu’à ce qu’elle s’échoue sur la côte…

La partie s’annonce toutefois difficile pour celle qu’on appelle maintenant la dame de béton, sur la question de la souveraineté du Québec. Alors que les conservateurs de Stephen Harper construisent semaine après semaine un Canada qui devient de plus en plus contraire aux valeurs et aux aspirations des Québécois, il sera très intéressant de voir si madame Marois profitera de la situation pour faire progresser l’option souverainiste et comment, le cas échéant, elle préparera le terrain de l’affrontement politique avec le fédéral. Ceux qui étaient ses adversaires acharnés en raison de sa mollesse et qui tendent à revenir dans les rangs péquistes — sage décision — ne devraient pas la laisser manquer ce bateau, qui ne repassera pas de sitôt.