Salut et MERCI Pierre Foglia

J’ajoute mon grain de sel à la pléiade d’hommages que l’on rend à M. Pierre Foglia, qui a annoncé sa retraite, en cette première semaine du mois de mars 2015. Je reproduis ici la chronique que j’avais écrite en 2002 pour Le Mouton NOIR dans laquelle je parlais de Monsieur Foglia et de l’un de ses auteurs préférés (et à moi aussi), Charles Bukowski.

Coincé dans les bras d’une vie folle. Locked in the arms of a crazy life. C’est le titre d’une biographie de Charles Bukowski signée par Howard Sounes et éditée par Black Sparrow Press. L’an dernier, Pierre Foglia en avait parlé dans l’une de ses chroniques dans laquelle il parlait aussi du Mouton NOIR, «un journal d’humeur du Bas du Fleuve», disait-il. Il disait combien ce livre est excellent et je le réaffirme en ouvrant ici une parenthèse : monsieur Pierre Foglia n’aime pas que ses lecteurs l’appellent familièrement Foglia. Il a bien raison. Ce n’est pas parce que quelqu’un nous touche avec presque toutes ses chroniques qu’il devient pour autant un intime. Qui plus est, on n’appelle généralement pas nos intimes par leur nom de famille. Mais question de taper un peu moins de caractères — il comprendra, il était typographe — convenons dès maintenant qu’il y a un «monsieur» aspiré — et bien senti — à chaque fois que j’écris simplement Foglia. Fermeture de parenthèse et retour à la précitée chronique.

Dans son commentaire sur Locked in the arms of a crazy life, Foglia révélait que Charles Bukowski était l’écrivain qui l’avait le plus influencé pour qu’il veuille faire de son écriture son gagne-pain. Ça m’avait franchement étonné. Parce que Bukowski et Foglia sont aux antipodes l’un de l’autre. Mais rien ne dit que l’on ressemble à ses influences. Et c’est ici fort heureux. Une fois assimilé ce constat, cette révélation a fait se rejoindre deux fils dans ma tête : j’aime énormément l’écriture de Charles Bukowski, mais moi, celui qui m’a le plus influencé à écrire, c’est Pierre Foglia.

Charles Bukowski était un salaud, un gros dégueulasse, un bagarreur — qui ne frappait pas toujours que des hommes — qui était continuellement saoul, saoul dans le genre excessif. Boire, vomir, continuer, avoir mal au bloc, recommencer… De fait, il utilisait beaucoup le terme anglais « hangover ». Il pouvait écrire des saloperies sur ses amis et encore pire sur des gens de son entourage à qui il ne portait pas d’affection particulière. Mais Bukowski écrivait autant qu’il buvait et il le faisait de façon sublime. Charles Bukowski, enfant battu par son père et rejeté par ses proches dès son jeune âge, est devenu l’un des plus grands poètes qu’aient portés les États-Unis profonds. En soi, rien que les titres de ses recueils sont des œuvres : Love Is a Dog from Hell, Playing the Piano Drunk/ Like a Percussion Instrument/ Until the Fingers Begin to Bleed a Bit, The Last Nights of the Earth Poems. Assis dans son antre à écriture devant sa vieille dactylo et son cendrier plein, il transposait son univers sale et médiocre dans une poésie extraordinaire. Pas une poésie à rimettes, une poésie qui pue, qui sue, qui se promène le fond de culotte à mi-cuisse et la bedaine de bière à l’air. Une poésie vivante qui regorge d’images, de richesse et de vie, si sale soit-elle.

Bukowski, quand il connut le succès, devint un être totalement imbu de lui-même. Quand il était saoul. Donc tôt, souvent et longtemps. Il regardait de haut la faune humaine qui l’entourait tout en sachant qu’il en était partie prenante. Il se vouait le même mépris qu’à la société. Mais il ne gueulait pas, n’était aucunement engagé et n’a jamais cherché à influencer qui ou quoi ce soit, sinon le chiffre de ses ventes. Il n’avait rien à foutre de critiquer les tares du système, si pourri pouvait-il être.

Je ne connais pas Pierre Foglia autrement que par ses chroniques. Mais je sais qu’il mène une vie infiniment plus ordonnée que celle de Charles Bukowski. Ses brosses, il les prend à grands coups de bols d’air, en vélo à Saint-Armand et un peu partout sur sa planète. Foglia n’est pas un poète, du moins pas officiellement. Mais j’ai encore en tête des phrases de ses chroniques écrites il y a bien des années. «Il n’y a rien de dangereux à se mettre la tête dans la gueule d’un lion. Essayez donc de lui mettre un doigt dans le cul.» Ou au Salon de la Femme, sur la goberge — «c’est nouveau, ce poisson-là ?» — aromatisée dans du bouillon d’andouille. Ou sur cet agent de sécurité aux Jeux olympiques d’Atlanta, accoutré de telle sorte qu’il n’aurait pas eu besoin de sa cocarde SÉCURITÉ pour qu’on ne le confonde pas avec une perdrix. Avec une perdrix, chose! Et quand Foglia couvre le Tour de France, il parle des petites auberges et des spécialités locales. Rien que pour ça, j’aime déjà énormément Pierre Foglia. Mais aussi parce que, contrairement à celui de Bukowski, l’univers d’écriture de Foglia est mû par un sens profond de l’indignation. À une époque où le «qu’est-ce que tu veux qu’on fasse ?» a cours plus que jamais, Foglia ne cesse de mettre le doigt sur les plaies de notre société, d’arracher les plasters placés dessus bien plus pour les cacher que pour les guérir, de nous foutre en pleine face ses blues de la bêtise humaine. Bref, Foglia s’indigne de ce qui devrait tous nous indigner.

Et les quelques sorties publiques auxquelles il s’est prêté à contrecœur ont révélé un être d’une grande humilité qui refuse de se voir comme un modèle pour ceux qui choisissent d’écrire. Mais au fond, je crois qu’il sait très bien qu’il l’est et il a toutes les raisons d’en être fier. En tout cas, moi, je lui lève bien haut mon chapeau et le remercie pour toutes les plumes critiques qu’il a aidé à faire naître un peu partout au Québec. Ces plumes qui écrivent essais, cinéma d’auteur, journaux d’opinions ou simples lettres de lecteurs. Pour le droit et le devoir de s’indigner.

Ajout de mars 2015 à cette «vieille» chronique d’août 2002 :
MERCI POUR TOUT MONSIEUR PIERRE FOGLIA.

Lettre à ma fille : Désarroi et désillusion

Ma très chère fille,

Tu m’as dit sans détour — ce n’est pas ton genre, tu es ma fille! — que tu n’as pas aimé mes réactions et celles d’autres personnes de ma génération pendant la dernière campagne électorale quand nous avons vu les libéraux remonter dans les sondages pour finalement reprendre le pouvoir après seulement 18 mois de « purgatoire ». Pourtant, je n’ai exprimé mon désarroi et ma désillusion devant ce que je considérais comme une menace aux valeurs sociales et politiques que je défends depuis toujours de la même façon que je le fais souvent, avec dérision et cynisme, par des montages photographiques sur ma page Fesse de bouc. Et, chère fille que j’adore, admets-le, je n’ai pas été plus méchant que bien d’autres et je me suis sûrement plus amusé. Le vieux gauchiste que je suis, désabusé de la politique actuelle, si peu porteuse d’espoir et toute tournée vers le cocooning et les valeurs individuelles aurait pu faire pire.

Je récris ces mots, ma fille d’amour, pour que tu les saisisses bien : désarroi et désillusion. Auxquels j’ajouterai perte de confiance envers le peuple votant et déception totale devant son niveau d’intérêt et de compréhension des enjeux de notre société québécoise. Et le désarroi et la désillusion, ma chérie, c’est comme certains autres bobos, ça fait beaucoup plus mal dans la cinquantaine!!!

Tu as écrit que les gens de notre âge manquaient de respect dans leurs attaques contre les fédéralistes. Mais tu as aussi écris : « (…) peut-être que je penserais différemment si j’avais connu Lévesque ». Je te confirme que oui et j’ajoute que je suis touché et fier qu’à ton âge, tu puisses référer à René Lévesque et aussi à Jacques Parizeau que tu vois comme « un vrai et un grand ». Parce que les indépendantistes de mon âge sont tous filles et fils de Lévesque et de Parizeau. Ces deux-là, par des chemins différents, ont fait avancer plus que quiconque le Québec en portant toujours bien haut le projet d’un pays. Et ils étaient épaulés en cela par des Camille Laurin, Lise Payette, Bernard Landry et autres femmes et hommes politiques — et non politiciens — de haut niveau. Et nous y avons cru en ce pays en devenir qui s’appuyait alors sur un véritable projet de société : équitable, juste, humaniste et social-démocrate pour de vrai! Et comment que nous y avons cru!

Pour que tu comprennes bien ce qui a lentement et insidieusement mis en place ce qui cause aujourd’hui notre désarroi et notre désillusion, je t’écris en quelques mots ce que nous avons vécu dans les 40 dernières années.

15 novembre 1976 : René Lévesque et le Parti Québécois prennent le pouvoir de façon triomphale en battant les Libéraux de Robert Bourassa qui avaient pourtant fait élire, trois ans plus tôt, 102 députés sur 108. «Je n’ai jamais pensé que je pouvais être aussi fier d’être Québécois… que ce soir. On n’est pas un petit peuple, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple!», nous lance alors René Lévesque de la tribune du Centre Paul-Sauvé, accompagné de nombreux nouveaux élus qui formeront avec lui ce qui est toujours considéré comme l’un des meilleurs gouvernements de l’histoire du Québec.

20 mai 1980 : Premier référendum, première défaite amère. J’avais 21 ans, plus jeune que toi aujourd’hui, et j’avais déjà la passion du pays du Québec au cœur depuis longtemps. 60 % de la population ont dit non à une trop longue question qui parlait plus de négociations que de pays, question qui avait été concoctée par l’un des bras droits de René Lévesque qui travaillait pour les services secrets canadiens depuis plus de vingt ans. Et à fourbe, fourbe et demi, le premier sinistre canadian Trudeau, qui avait fait emprisonner sans mandat plus de 500 personnes dix ans plus tôt avec la loi sur les mesures de guerre, avait faussement mis en jeu les sièges de ses fédérastes dépités du Québec en demandant aux Québécois de miser une autre fois sur le fédéralisme qu’il promettait de renouveler.

Petit baume de fierté au cœur en cette triste soirée : aux côtés des irréductibles Gaulois du Saguenay et du Lac-St-Jean, Rimouski a été l’un des six comtés du Québec où le OUI l’a emporté, avec 54 % du vote.

1982 : la Nuit des longs couteaux. Manipulés par le fou du roi de Trudeau, Jean Chrétien, les Premiers ministres des provinces canadiennes renient les ententes prises avec le Québec et signent en pleine nuit une constitution « renouvelée » à la sauce Trudeau-Chrétien qui affaiblit et isole le Québec. C’est le début de la fin pour René, qui démissionnera en 1985 et mourra subitement le 1er novembre 1987, laissant tout notre non-pays dans un deuil d’une tristesse inouïe. Même ton grand-papa, ma schnoupine, qui était fédéraliste à tout crin, m’avait alors avoué son chagrin de voir partir ce grand homme.

La mort du père du PQ incite Jacques Parizeau, qui avait quitté la politique en 1984, à revenir. Il prend la tête du parti en 1988. Le rêve renait et clairement, ce chef ne passera pas par quatre chemins pour nous y mener. Le PQ reprend le pouvoir en 1994 et Parizeau promet un référendum dès l’année suivante.

30 octobre 1995 : Deuxième référendum, campagne enlevante. Le chef du Bloc québécois Lucien Bouchard a rejoint Jacques Parizeau sur les tribunes du OUI qui mène invariablement dans les sondages. Paniqués, les Chrétien, Johnson et Charest prennent les grands moyens, faisant fi des règles. Pour « sauver » le Canada, tous les coups étaient permis : certificats de citoyenneté émis en grand nombre à la hâte aux nouveaux immigrants — « il faudra voter non, sinon… » —, « love-in » d’anglophones qui n’étaient jamais venus au Québec et qui n’en avaient rien à foutre mais qui ont profité des voyages gratuits offerts — dépenses non comptabilisées dans la campagne du NON— par Air Canada, Via Rail, all canadian etc — pour venir chanter faux la pomme aux Québécois le temps d’une brosse à Montréal sur le bras du fédéral. « We love you [dear fuckin’ frog], stay with us, we need you, please don’t separate! »

OUI : 49,4 % NON 50,6 %
54 000 votes de différence sur 4 671 000 votants.

N’ayant pu atteindre ce qui était son objectif ultime, Jacques Parizeau démissionne. Lucien Bouchard lui succède. Alors tranquillement, après ces coups durs, le projet a commencé à s’effriter et à n’être plus porteur des visions et façons de penser et de vivre qui constituaient sa base. Le Parti Québécois a commencé à dévier de l’objectif qui avait été le sien depuis sa création et qui aurait dû rester sa première raison d’être, l’indépendance du Québec. On nous serinait de bonne gouvernance, de déficit zéro, de conditions gagnantes, mais point de pays. On nous parlait bien de temps en temps de référendum, mais pas d’indépendance. Comme un charpentier qui nous parlerait de son marteau sans vouloir nous dire ce qu’il construira avec…

Puis Lucien Bouchard a quitté à son tour et Bernard Landry, ancien jeune péquiste devenu vieux de la vieille, a bravement pris la relève.

2003, désastre : Gros Jean comme de vent Charest et ses Rackham le Rouge prennent le pouvoir. Bonjour le favoritisme et la corruption érigée en système, au revoir les idées. Peu après, Bernard Landry a aussi quitté, victime de l’ère des spin doctors faiseurs d’images, pseudo professionnels de la stratégie et du marketing, venus en politique plus par ambition carriériste que par conviction. Conviction, ouate de phoque? Où achète-t-on cela ?

S’est alors amorcé la descente : le PQ a commencé à avoir peur de l’ombre de son option. Moins on en parlerait, mieux on se porterait. Lucien Bouchard était devenu un Père Fouettard se croyant plus lucide que le peuple et mangeait du Québécois pendant qu’un éphémère chef passait en coup de vent, le temps de quelques sourires et de plusieurs phrases creuses.

Et Pauline Marois est arrivée. On la surnomme la Dame de béton. Femme politique de grande expérience, mais très tiède souverainiste, elle réussit à devenir la première femme Première ministre du Québec. Durant 18 mois. Puis, elle s’effondre comme un viaduc de Montréal, aussi fait de béton.

Alors ma fille, voici où nous en sommes, en 2014 : le parti dans lequel nous avons cru trop naïvement et sans doute trop longtemps a lamentablement échoué à souffler sur les braises de la foi souverainiste, trop occupé qu’il était à vouloir le pouvoir et à parler de gouvernance et le vieux parti libéral est revenu au pouvoir, majoritaire de surcroit, élu par le bon peuple prêt à oublier pour acheter un semblant de stabilité — les vraies affaires! — à quel point Jean Charest avait malmené le Québec pendant neuf années.

Bien sûr, le PQ n’avait pas tout réglé d’un coup de baguette magique. Mais on n’a pas donné une bien grande chance au coureur. Tu me diras que c’est le PQ qui a décidé d’aller en élection en misant sur un piètre projet de charte plutôt que sur la souveraineté et tu auras raison. Mais maintenant, les jeux sont faits. Et pour longtemps.

Oui, Philippe Couillard se comporte dignement depuis son élection et il est infiniment plus respectable que son prédécesseur — la barre n’était pas haute —, mais je reste comme mes compagnons d’âge et de combat : amer, désillusionné et désabusé. Nous nous retrouvons non seulement orphelins d’un grand projet, mais aussi hébétés devant les tournures qu’a pris le courant politique dans les dernières années : droite conservatrice religieuse et réactionnaire au Canada et néolibéralisme pro-économie et valeurs individuelles au Québec.

Et les filles et fils de Lévesque et Parizeau que nous sommes vivons encore une fois un profond deuil; deuil du pays en lequel nous croyions et deuil des valeurs qui soutenaient ce grand projet.

Entrevue sur le sujet avec Jean-François Morency de Versus Radio : http://www.versusradio.net/downloads/files/156649/

Salut mon ami Paul

Paul Rose et son fils Félix, en septembre 2012, à Percé, devant La Maison du Pêcheur, reconstruite pour le film du même nom, qui sortira en octobre 2013.

Par Jacques Bérubé

Je reproduis ici la chronique que j’ai écrite en octobre 2010 pour «souligner», à ma façon, le 40e anniversaire de la Crise d’Octobre 1970, mais aussi pour saluer mon ami Paul Rose, qui est décédé aujourd’hui, 14 mars 2013. Mes sympathies à Andrée, Félix, Rosalie, Lise, Jacques, Suzanne et Claire.. Je serai toujours fier de dire que Paul était mon ami. Deux fois sur les ondes de la SRC aujourd’hui, j’ai dit que Paul était bel et bien un extrémiste, car il était extrêmement gentil. Salut Paul!

OCTOBRE 1970
17 octobre 1970. J’ai 11 ans. Mes parents sont en voyage. La dame qui nous garde, mon frère, mes deux sœurs et moi, est debout devant le téléviseur, les deux mains sur la bouche. Dans la télé, on voit une voiture avec le coffre ouvert. « Les écœurants ! Les maudits écœurants, y ont tué Laporte ! »

Laporte, je me souvenais ce nom parce que, quelques mois plus tôt, j’avais écouté le congrès à la chefferie du parti libéral du Québec — j’écoutais vraiment des affaires plates à 10 ans! En fait, je l’écoutais parce l’un des principaux organisateurs politiques de Pierre Laporte, qui s’était fait battre par Robert Bourassa, était notre voisin, un riche ingénieur qui le deviendrait encore plus dans les années suivantes, placées sous régime libéral. Inutile de dire que, ce soir du 17 octobre, il doit se lâcher aussi pas mal de «maudits écœurants!» dans la maison voisine.

Le lendemain, à l’école Dominique-Savio, dans ma classe de 7e année — ça existait à l’époque — le professeur d’anglais, un grand slaque d’Acadien du Nouveau-Brunswick qui venait une fois par semaine — et qui mériterait bien de se faire rembourser, à haut taux d’intérêt s’il vous plaît, toutes les claques sur la gueule qu’il assénait aux ti-culs de 11-12 ans — le lendemain donc, le prof d’anglais, disais-je, Léandre Arsenault, pour ne pas le nommer, nous fait un long sermon anti-Québec en se moquant de la devise La belle province et en mettant dans le même sac tous les maudits sauvages de Québécois.

Les jours suivants, ma grande sœur, qui va à l’école en ville, au Langevin, nous raconte comment les soldats de l’armée canadienne pointent leurs armes vers son autobus scolaire quand il passe devant la maison cossue du ministre Maurice Tessier.

OCTOBRE 1981
Je suis une belle jeunesse de 22 ans et je travaille au centre d’artistes La Grande Ourse, dans la bâtisse dite du ROCCR, sur la rue St-Louis, face au Cégep de Rimouski. Sous l’impulsion de Jean-Pierre Boyer, activiste et professeur de communication, La Grande Ourse présente « L’Événement d’Octobre », une exposition d’art carcéral et d’affiches et photographies militantes. L’ex-felquiste Jacques Rose est invité. C’est là qu’il voit pour la première fois le superbe film Les Ordres, de Michel Brault. Il en ressort complètement bouleversé. Des caches où il se planquait avec ses compères, il n’avait pas vu les rafles de la police et de l’armée qui, War measures Act signé Trudeau sous le bras, avaient fait plus de 3 000 perquisitions et 450 arrestations sans mandat.

En 1982, je rencontre l’autre Rose d’Octobre, Paul, récemment sorti de prison et venu à Rimouski pour faire une maîtrise en développement régional à l’UQAR. Quelques années plus tôt, une commission d’enquête avait fait la preuve que Paul Rose n’était pas sur les lieux lorsque le ministre Pierre Laporte était mort par asphyxie. Paul, bâti comme un ours, est assis seul dans un coin du café-bar du ROCCR. Je m’approche de lui et me présente, gêné et surtout, très impressionné. On échange quelques mots, je lui parle de Jean-Pierre, de La Grande Ourse, du ROCCR… Ça suffit pour marquer le début d’une longue amitié, qui dure toujours.

Des années plus tard, ma mère qui, sans être une fervente partisane, traîne tout de même certains gênes de sa famille libérale, apprend que Paul et moi sommes amis et me dit : « Si tu te tiens avec Paul Rose, je ne veux plus que tu viennes à la maison. » Précisons qu’à cette époque, j’allais pratiquement souper tous les dimanches soirs chez mes parents. Après trois semaines d’abstention dominicale, ma mère appelle et me demande si je la boude. « Mais, maman, lui dis-je gentiment, tu m’as dit de ne plus venir à la maison à cause de mes mauvaises fréquentations ». « Laisse donc faire ça », me répond-elle aussitôt !

Quelques mois plus tard, je pars pour Montréal et je prends Paul avec moi. Je ne sais trop pour quel prétexte, mais j’arrête chez mes parents et j’en profite pour présenter Paul à ma maman. Plus de 20 ans ont passé, mais j’ai encore en tête l’image de ma petite mère toute gênée serrant la grosse paluche de Paul, tout aussi gêné. Et ce petit regard qu’elle me lance de côté, façon de dire : « toi, mon mauzusse ! ». Et j’imagine aussi ce que je n’ai pu voir : ma mère disant à mon père, ce soir-là : « tu sais pas qui j’ai rencontré aujourd’hui… ? »

OCTOBRE 2010
Quarante années après la crise d’Octobre 1970, le flo qui restait à côté de chez l’organisateur politique de Pierre Laporte est ami avec celui qui a purgé 12 ans de prison pour l’enlèvement et « l’exécution » du susnommé. Qui plus est, la floune, sœur de ce flo, est présidente d’un syndicat qui a pour conseiller ce méchant terroriste. Comme quoi, dans deux maisons voisines d’une petite rue de Rimouski, le destin dessinait de curieux barbots…

J’ai de mauvaises fréquentations. Mais je serais tellement plus gêné de vous dire aujourd’hui que je suis ami avec certaines gens qui se pavanent avec le mot honorable devant leur titre et nom ou, pire, qui atteignent les sommets de la malhonnêteté intellectuelle, historique et politique en défendant et justifiant toujours, 40 ans plus tard, l’adoption de la Loi sur les mesures de guerre contre le Québec et l’arrestation de personnes comme Gaston Miron, Pauline Julien, Gérald Godin ou Michel Garneau.

Tout récemment, Jean Charest a traité de révisionnistes ceux qui ne gobent pas, comme lui, la version officielle de l’histoire.

Le 17 octobre, c’était aussi l’anniversaire de naissance de Paul Rose. Bonne fête en retard, Paul!

La Guerre des Braves et le silence des agneaux

Par Jacques Bérubé

« LE MONDE EST DANGEREUX À VIVRE NON PAS TANT À CAUSE DE CEUX QUI FONT LE MAL,
MAIS À CAUSE DE CEUX QUI REGARDENT ET LAISSENT FAIRE.
»
– Albert Einstein

« QUAND L’ORDRE EST INJUSTICE, LE DÉSORDRE EST DÉJÀ UN COMMENCEMENT DE JUSTICE »
– Romain Rolland

Un peu partout au Canada, les Premières Nations se lèvent! Debout, la position la plus digne pour faire face à l’ennemi. Comme toujours, ils sont peu, ils sont faibles, mais ils sont debout, ensemble, côte à côte, coude à coude.

Les autochtones se lèvent pour faire face à un gouvernement qui, non seulement les ignore et les maintient dans un état de pauvreté perpétuelle, mais qui s’affaire aussi à mettre en pièces, en bafouant les règles d’éthique de la démocratie parlementaire, des lois et des règlements qui protégeaient les territoires qui sont les milieux de vie des autochtones, mais aussi des « visages pâles ».

Les Québécois sont réputés pour être, parmi les Canadiens, ceux qui ont le plus à cœur la protection de l’environnement. Le conflit qui oppose la ville de Gaspé à la compagnie Pétrolia — experte au moins autant dans l’exploitation et la production de larmes de crocodiles et de démagogie que de pétrole — démontre bien qu’il y a toujours des gens pour qui le droit citoyen passe avant le développement industriel et financier. Mais, sur d’autres plans…

Trop peu de gens se sont levés, comme l’ont fait les autochtones, pour dénoncer l’affaiblissement — quel euphémisme! —, de la loi sur la protection des eaux navigables infligé par les conservateurs de Stephen Harper, lors de l’adoption de la loi omnibus-mammouth-rouleau à asphalte C-45. Avec ces changements, ouvertement pro-industrie et anti-écologiste, seuls 97 lacs et 62 rivières, sur les dizaines de milliers du Canada, seront désormais protégés par la nouvelle loi. Quant aux berges du fleuve et aux fonds marins… Bienvenue Welcome au buffet all you can eat!

Si l’on peut comprendre la retenue, forcée, de plusieurs scientifiques, à qui le gouvernement fédéral impose une loi du silence lourde comme une chape de plomb, il faut questionner l’absence de prises de position fermes de la part du gouvernement du Québec et des organismes qui ont pour mandat de protéger le territoire contre les gros sabots de l’industrie et ses serviles valets, le gouvernement fédéral en première ligne.

Le silence des agneaux.
Ils devraient être debout, dignement, aux côtés des Premières Nations, face à l’ennemi.

En 2008, Richard Desjardins et Robert Monderie, après avoir déplacé les montagnes bureaucratiques et industrielles du monde forestier avec leur documentaire L’Erreur boréale, sorti en 1999, ont malheureusement fait chou blanc avec leur film Le peuple invisible, qui dénonce l’état d’extrême pauvreté dans lequel est maintenu le peuple algonquin, que l’on retrouve principalement en Abitibi. Même si Le Peuple invisible a montré, de façon brute et sans artifice et avec la même verve et la même dialectique documentaire que L’Erreur boréale, la situation des Algonquins du Québec, sédentarisés de force et coupés des services de base les plus essentiels sur un territoire où ils vivent depuis 6 000 ans, ce film a vite été relégué aux oubliettes.

L’Erreur boréale dénonçait une industrie qui dévorait sans vergogne la forêt, que les documentaristes avaient présentée fort habilement et judicieusement comme un capital qui appartenait collectivement à tous les Québécois. Le Peuple invisible montre la misère d’un peuple que les Québécois ne connaissent pas et qu’ils n’ont peut-être même pas envie de connaître. Richard Desjardins le dit : « la forêt est une industrie qui génère 20 milliards de dollars, mais les Indiens ne valent pas grand chose dans l’esprit des gens ». C’est là où le bât blesse!

On parle ici des Algonquins, mais les Cris et les Innus, pour ne nommer que ceux-ci, ne trouvent pas plus grâce aux yeux des Québécois et des Canadiens. Les récits d’horreur sur les sévices sexuels qu’ont subi les jeunes autochtones dans les foyers où ils ont été placés de force pour être « éduqués » et lessivés de leur propre culture dérangent un peu, mais « c’est pas nous autres qui leur a fait ça, ni nos parents, ni nos grands-parents, les coupables, ce sont les communautés religieuses ».

Le silence des agneaux. Je ne vois rien; je n’entends rien; je ne dis rien.

Les Premières Nations se lèvent pour réclamer plus d’autonomie pour leurs peuples, mais aussi pour s’opposer à un gouvernement qui s’attaque à un ensemble de valeurs qui a déjà constitué ce qui faisait du Canada un pays progressiste et respecté à travers le monde. Plutôt que d’entretenir des préjugés contre les Indiens, en jetant des regards biaisés sur des situations particulières comme la gestion d’une telle ou d’un tel autre chef, les Canadiens devraient leur emboîter le pas. Un rapprochement entre autochtones et non autochtones n’a jamais été aussi souhaitable.

Le mouvement Idle No More, lancé par les Premières Nations, est digne et non-violent. Les Canadiens resteront-ils indifférents, manière de dire à Stephen Harper Idle More and More ?

Plaçons une plume rouge à côté du carré rouge.

À BABORD, TOUTE !

Par Jacques Bérubé

C’est beau d’vous voir gouverner ça
Ben installé sur vot’ gros tas
Avec les deux yeux r’virés ben raide vers les États
Vot’ p’tite tête pleine de gros calculs
L’capitalisme qui vous encule
Vous faites en sorte que plus ça avance
Plus ça recule

– Plume Latraverse, Strip Tease

Cette chanson de Plume Latraverse, pourtant peu enclin à donner dans l’engagement politique, date du début des années 1970, à une époque où les parents des étudiants qui affrontent aujourd’hui le gouvernement libéral de Jean Charest n’envisageaient même pas encore la possibilité d’avoir des enfants.

Et pourtant! Relisez ces paroles — ou mieux, chantez-les, si vous avez l’âge de vous en rappeler — et vous verrez à quel point elles s’appliquent toujours, 40 ans plus tard, à la gouvernance à laquelle nous sommes soumis en 2012.

Bienvenue dans le passé, à l’époque où Maurice Duplessis « développait » la Côte Nord en vendant le minerai de fer aux Américains à trois cennes la tonne, pour qu’ils le transforment, en créant de l’emploi chez eux, et nous revendent des produits manufacturés avec notre matière première à 100, 200, 500 fois le prix payé.

Bienvenue dans le passé, à l’époque où le Cheuf clouait le bec à ses opposants en leur coupant les vivres et en leur envoyant sa police matraqueuse.

Retour au présent, pour regarder Jean Charest et sa cour dérouler le tapis rouge, version XXIe siècle, c’est-à-dire en route asphaltée à coup de centaine de millions, pour ouvrir, cette fois, aux Chinois,  Allemands, Espagnols et bien sûr, encore et toujours, aux Américains, le buffet all you can eat de nos ressources minières : cuivre, nickel, diamants, uranium, alouette!

Retour au présent, pour voir Stephen Harper et ses bitumineux dinosaures s’attaquer sans scrupules aux processus de consultation sur les impacts environnementaux et couper les budgets de recherche et des postes clés dans des centres de Pêches et Océans Canada comme l’Institut Maurice-Lamontagne, à Sainte-Flavie, pour ne pas nuire aux grands projets économiques, lire pétroliers. Voyons-le, du même souffle fétide, couper les vivres aux organismes qui ont l’outrecuidance de poser des questions et de critiquer ces projets.

Retour au présent pour voir le Premier ministre Charest évoquer à tout vent la violence et l’extrême gauche pour justifier son recours constant aux forces policières et sa loi 78, qui restreint la liberté d’expression et de manifestation.

Le conflit n’est plus centré sur la question des frais de scolarité, mais bien sur des questions de vision d’avenir : quel Québec voulons-nous? Dès lors, qu’on cesse de parler d’un conflit étudiant. D’une part, parce qu’il y a toujours deux parties dans un conflit et d’autre part, parce qu’il est de plus en plus évident que la lutte étudiante s’est transformée en un grand mouvement de résistance idéologique à un gouvernement qui a décidé de mettre tous ses œufs dans le panier économique, au détriment de valeurs sociales, politiques et culturelles qui ont fait du Québec une société distincte en Amérique du Nord.

Le conflit a essaimé et il est maintenant idéologique, opposant la gauche et la droite. Le mouvement d’opposition au gouvernement Charest s’est étendu, en quelques semaines, dans toutes les sphères de la société québécoise. La population a rejoint les étudiants dans la rue et sur les balcons pour manifester contre cette hausse abusive des frais de scolarité, mais aussi contre la corruption, la montée des inégalités, le laisser aller dans le dossier des gaz de schiste, l’orientation du Plan Nord et surtout, contre les principes de gouvernance néolibérale du gouvernement Charest, qui vise à appliquer partout dans l’activité humaine, l’éducation, la santé, les affaires sociales, le modèle entrepreneurial : économie, marchandisation, rentabilité financière plutôt que sociétale.

La population manifeste contre la privatisation des services publics, le principe de l’utilisateur-payeur — appliqué là, où et quand ça chante au gouvernement, lorgnez un peu du côté des grandes entreprises et des compagnies minières pour vous en convaincre — bref, contre une vision d’avenir et un projet de société qui ne conviennent pas à une majorité de moins en moins silencieuse.

Bien sûr, menacé tel qu’il l’est, le gouvernement a tout avantage à faire semblant de ne rien voir et à continuer de faire porter, à coups de phrases choc, de démagogie et de détournements rhétoriques, tout l’odieux de cette crise sociale sur les étudiants. Mais quand un ministre des Finances perçoit comme de l’intimidation et de l’agression des « concerts » de casseroles; qu’un ministre de la Justice voit une manifestation de jeunes presque nus comme de la violence et une menace à la démocratie et que le parti au pouvoir craint d’installer des bureaux de scrutin dans les cégeps et les universités parce que cela favoriserait le vote des jeunes électeurs, c’est peut-être que la droite sent le tapis lui glisser sous les pieds et qu’elle se retrouve de plus en plus poussée dans ses derniers retranchements.

Si le vent tourne, nous devrons une fière chandelle à ces étudiants qui se sont tenus debout dès le début de leur lutte pour une société juste et équitable, qui sont toujours au front et qui, pour cela, ont reçu plus que leur part de reproches et d’épithètes en tous genres : enfants-rois, bébés gâtés, marxistes, anarchistes, révolutionnaires, communistes… Nuançons tout de même, car ces accusations sont souvent lancées par des gens à cours d’arguments qui n’en ont que pour leur nombril, leur rapport d’impôt et leur abri tempo.

Pour conclure, citons celui qui a le plus subi la hargne et le mépris du gouvernement, des chroniqueurs de radio poubelle et des polémistes à la sauce Martineau, qui mordent tout, sauf la main qui les nourrit grassement et ceux qui les écoutent :

« On démontre que malgré tous les préjugés qui nous tombent sur la tête comme génération, on est encore capables de se mobiliser et de défendre nos droits, qu’on n’a rien à envier à nos parents, à nos grands-parents. Tout ce bouillonnement a permis de mettre plein d’enjeux sur la table. C’est une grande contribution du conflit étudiant au débat politique québécois. »

– Gabriel Nadeau-Dubois

Rhétorique, démagogie, opportunisme et… accessibilité

Par Jacques Bérubé

La rhétorique au service de la propagande
50 cennes par jour..! Le PLQ, sous le règne de Jean Charest, montre encore une fois, par l’utilisation de ce slogan populiste et combien mensonger, tout ce qu’il est prêt à faire pour se gagner l’opinion publique, tout autant que la vision économiste qu’a son gouvernement de l’éducation. Une fois partis, allons-y donc pour « Étudiez maintenant et payez dans un an » ou pourquoi pas, « Faites un baccalauréat, ajoutez une cenne et obtenez en deux ».

La même distorsion des faits par les mots employés s’applique quand ils parlent du financement des universités plutôt que de la hausse des frais de scolarité.

Parlons d’équité.
Qui osera prétendre qu’un projet qui fait payer davantage, année après année, les jeunes d’une société est équitable ? Puisque cela semble être le langage privilégié par le gouvernement Charest, laissons parler les chiffres. Dans l’éventualité où s’appliquerait la hausse ascenseur que le gouvernement veut imposer aux étudiants à partir de l’automne prochain, un jeune qui débuterait en 2012 subirait une hausse — s’ajoutant, ne l’oublions jamais, aux frais déjà établis — de 255 $ pour sa première année, puis, de 510 $ et de 765 $ pour les deux suivantes, pour un total de hausse de 1 920 $ pour trois ans. Celui qui commencerait en 2015 se taperait des augmentations de 1020 $, 1275 $ et 1530 $, pour une hausse totale de 3825 $, soit pratiquement le double de notre premier exemple, celui qui a terminé — si tout a bien été ! — au printemps 2015. Par la suite, chaque année d’université coûterait, selon le plan Charest-Beauchamp, 1785 $ de plus qu’aujourd’hui, donc 5355 $ pour trois ans et 7140 $ pour quatre ans.

Et ce calcul ne nous dit pas quelle partie de ces frais s’ajoutera à l’endettement déjà important des étudiants. Chaque ville du Québec n’est pas dotée d’une université; Montréal en a quatre, dont deux sont, pour ainsi dire, réservées à des « clientèles » — ici, ce mot s’applique vraiment — très aisées, Québec en a une, Sherbrooke en a deux — dont l’une, francophone, possède un campus, combien chic, à Longueuil — puis, le réseau des Universités du Québec, avec une quinzaine d’établissements, campus et centres spécialisés. Donc, en tout et partout, un peu plus de 20 institutions universitaires pour approximativement 1 200 municipalités, villages, villes, cantons et paroisses, disséminés dans un territoire immense, divisé en 17 régions administratives. Un très grand nombre d’étudiants doivent donc s’installer, pour quelques années, dans une ville dotée d’une université et payer, le plus souvent le gros prix, pour un logement, ses frais de subsistance et de loisirs et, oui, pour son iPhone — un outil de travail et de communication, quoi qu’on en dise ou en pense, son service Internet et le reste.

Si au moins on avait le courage politique et social d’admettre qu’avec un tel projet de hausse des frais de scolarité, notre société refuse que ceux qui ont aujourd’hui 20 ans et moins bénéficient du même régime d’accessibilité aux études que les dernières générations et qu’ils seront ceux qui paieront pour des incuries administratives dans les gestion des universités et pour le maintien des cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises et aux banques par les gouvernements.

Opportuniste ? Qui est opportuniste ?
La semaine dernière, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, a annoncé que, s’il était élu, son parti ne ferait qu’indexer les frais de scolarité, en lieu et place de la hausse de 82 % prônée par les libéraux de Jean Charest. Il n’en fallait pas plus pour que de partout, les tenants de la hausse se lancent dans une pluie d’insultes de tout acabit envers le PQ. Et le mot qui revenait le plus souvent était opportunisme.

Désolé, mais, ce projet est tout sauf opportuniste. Et mon affirmation n’est en rien partisane. En politique, on est opportuniste quand on adopte des positions qui vont « dans le sens du vent », c’est-à-dire qui visent à racoler des électeurs en leur serinant ce qu’ils veulent bien entendre. Or, avec toute la désinformation que fait le Parti libéral depuis le début de la crise étudiante, celui-ci a, sans contredit réussi à faire qu’aujourd’hui, une majorité de Québécois sont en faveur d’une hausse importante des frais de scolarité. Selon les derniers sondages, près de 70 % de la population appuie la position gouvernementale de hausser les frais de scolarité. Alors, qu’on ne vienne pas dire que le PQ est opportuniste en prenant une position qui, à ce stade-ci, va à l’encontre de l’opinion générale. C’est même tout le contraire de l’opportunisme.

Le PQ propose une disposition qui représente ni plus ni moins qu’un choix de société. Une société qui décide de sortir du lot nord-américain, en prenant des positions qui, à l’instar de plusieurs pays d’Europe, favorisent l’accessibilité aux études supérieures.

Une société qui se respecte et surtout, qui respecte ses jeunes, ne devrait pas prendre la voie que veut lui imposer son gouvernement sortant, qui vise à faire payer ceux-ci de plus en plus cher, année après année, leurs études universitaires. Les conséquences à moyen et à long terme pour notre société seraient lourdes à porter.

Le Temps des scabs

Par Jacques Bérubé

Il y a quelque chose de pervers dans le tournant que tente de faire prendre le gouvernement Charest au conflit qui l’oppose aux centaines de milliers d’étudiants qui poursuivent leur GRÈVE contre une hausse abusive — 75 % en cinq ans — des frais de scolarité. J’écris GRÈVE en majuscules pour faire ma petite part afin de redonner son sens à ce mot que, dans le climat qu’installent depuis quelques semaines les tenants de la hausse, gouvernement, recteurs, entrepreneurs et étudiants, on tend à remplacer par « boycott des cours », comme pour prétendre que les étudiants ne bloquent rien et qu’ils sont les seuls perdants dans ce conflit.

« On ne doit pas céder le pas à l’intimidation », a affirmé le premier ministre, avant de se demander : « Dans quelle sorte de société on vit, si on accepte que des personnes sont intimidées parce qu’elles veulent aller étudier? » M. Charest a rappelé que « le Québec venait de faire un gros débat dans le domaine de la construction, on ne veut pas ça pour ailleurs, dans un autre secteur d’activité ». Ah oui? Un gros débat dans le domaine de la construction ? Où ça ? Quand ça ? Le seul débat dont nous nous souvenons, ce sont les incessantes pressions qu’ont dû faire des représentants de presque tous les secteurs de la société québécoise pour que le gouvernement Charest accepte enfin de tenir une enquête publique sur la corruption dans cette industrie.

Cette déclaration de Jean Charest, qui associe un mouvement de grève dûment entériné en assemblée à de l’intimidation, comme celle de la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, qui affirme que le mouvement étudiant n’est pas un mouvement de grève et que les étudiants qui veulent assister à leurs cours sont en plein droit de le faire, pue le déni du droit de grève. S’il y a intimidation quelque part, elle est politique et vient du gouvernement Charest. On peut évoquer l’intimidation politique quand un gouvernement décrète qu’il faut tout mettre en oeuvre pour que les étudiants, qui sont contre la grève et/ou pour la hausse des frais et qui, est-il utile de le rappeler, sont MINORITAIRES au sens de la démocratie, puissent, comme le dit la ministre Beauchamp, « exercer leur droit de recevoir leurs cours ».

C’est ce genre de pensée, plus affairiste et économique que politique, qui pousse des étudiants à déposer, sur une base individuelle, des injonctions qui visent à forcer, qui les étudiants en grève à cesser le piquetage, qui les institutions scolaires et les professeurs à reprendre les cours. Ce type de comportement, foncièrement anti-syndical et anti-collectiviste, pourrait-il s’étendre dans le milieu du travail ? Verra-t-on des travailleurs judiciariser des conflits de travail en poursuivant leurs syndicats pour casser un mouvement de grève légale et retourner au travail ? À lire et entendre les réactions de Jean Charest et de Line Beauchamp, il y a tout lieu de croire que c’est ce qu’ils souhaitent.

Diviser pour régner et, qui plus est, diviser par son plus petit dénominateur, l’individu, est bel et bien l’avenue que le gouvernement de Jean Charest et de Line Beauchamp ont choisie de prendre pour mâter la contestation qui n’est plus qu’étudiante, mais bien sociétale et nationale.

De partout, des voix s’élèvent et des mouvements sociaux se forment pour, entre autres choses, réclamer la démission de Line Beauchamp. Elle ne démissionnera pas, loin s’en faut, mais, au mieux, elle se retrouvera sous peu sur les banquettes de l’opposition.

Bon vent, madame!

Dire NON à une hausse de 75% des frais de scolarité

Par Jacques Bérubé

La langue de bois a toujours sa place bien au chaud au gouvernement du Québec. De passage à l’émission Tout le monde en parle, la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, n’a à peu près jamais parlé de hausse des frais de scolarité pour les étudiants universitaires, mais plutôt de la hausse du financement des universités. J’appelle cette manière de dire que le sous-financement des universités est dû aux étudiants, qui paieraient depuis trop longtemps des frais de scolarité trop bas, un argumentaire de bas étage, servant plus à détourner les regards du laxisme du gouvernement Charest dans l’administration de l’éducation depuis son arrivée au pouvoir, en 2003.

Le gouvernement Charest n’a su empêcher l’UQAM de se crasher dans un désastre d’incompétence et d’incurie administrative, l’Îlot Voyageur, qui a englouti en pure perte plus de 500 millions. Il n’a pas plus bronché quand les deux principaux responsables de ce projet, recteur et vice-recteur, ont quitté en empochant plus de 300 000 $ en primes de séparation ou quand une autre université sous-financée, Concordia, a payé 1,7 million à ses deux derniers recteurs, partis après avoir été deux ans seulement en poste.

À elles seules, ces sorties incontrôlées représentent plus de 300 000 fois la hausse annuelle de 1625 $ que le gouvernement veut maintenant enfoncer dans la gorge des étudiants, devenus des ennemis de l’État.

Personne ne devrait accepter que le gouvernement du Québec impose une hausse de 75 % des frais de scolarité aux étudiants universitaires. PERSONNE! Qu’Hydro-Québec se ramène demain avec une hausse de 75% des tarifs aux usagers et nous assisterons aussitôt à une levée de boucliers sans précédent.
Mais les étudiants, ah, les étudiants…

Ils ont tous un iPhone!
Y a-t-il un âge et un statut social qu’il faudrait avoir atteint avant de pouvoir utiliser les technologies numériques, technologies qui, de surcroît, sont utilisées de façon formelle et efficiente dans les études et le travail ?

Ils paient moins cher qu’ailleurs au Canada…
Est-ce que le fait que les frais de scolarité au Québec soient parmi les plus bas en Amérique du Nord ne devrait pas être une source de fierté nationale plutôt qu’une simple donnée statistique de comparaison ? Est-ce que les Québécois ne devraient pas clamer leur fierté de faire partie des pays qui, comme plusieurs en Europe, investissent dans « l’actif » à long terme que sont les étudiants, plutôt que de vouloir être comparés à d’autres provinces canadiennes ou à des pays capitalistes et élitistes comme les États-Unis?

De plus en plus de voix s’élèvent pour demander au gouvernement Charest de s’asseoir avec les représentants étudiants pour négocier une solution mitoyenne. Peu de gens, dans les faits, s’opposent à une certaine hausse, raisonnable, des frais de scolarité. Mais celle promulguée par Jean Charest est de nature à rendre de moins en moins accessible les études universitaires. Et, de grâce, qu’on ne claironne pas que cette hausse sera compensée par une augmentation des prêts et bourses — dans une proportion 90% prêt/10% bourse — parce que cela ne changera rien à la situation d’endettement à long terme dans laquelle cette mesure antisociale installera les étudiants.

Le plus odieux de cette saga, c’est que tous les membres du gouvernement libéral qui, sous le faux prétexte de vouloir responsabiliser financièrement les étudiants, instaureront cette hausse abusive des frais de scolarité, ont eux-mêmes bénéficiés de ces bas taux pour se rendre là où ils sont.

Les libéraux ne casseront pas, alors, cassons les libéraux! Si Jean Charest et Line Beauchamp sont si persuadés d’avoir raison, qu’ils aillent en élection. Ils seront jugés par la population, non seulement sur cette position rigide et dangereuse, à court terme, pour l’avenir du Québec, mais sur l’ensemble de leur bilan.

Neuf ans!

Par Jacques Bérubé

Neuf ans, voilà ce qui semble être devenu le cycle de rotation du pouvoir au Québec. Selon les derniers sondages et surtout, selon toute pertinence — commentaire non-partisan —, le parti Québécois reprendra le pouvoir aux prochaines élections et ce, de façon majoritaire, neuf ans après l’avoir perdu aux mains du parti Libéral de Jean Charest. Ledit Charest a beau se targuer d’être le premier à avoir gagné trois élections de suite depuis Maurice Duplessis — belle comparaison! —, il aura été au pouvoir durant neuf ans, comme avant lui le PQ (1994-2003), le PLQ (1985-1994) et le PQ (1976-1985).

Avant cette première accession au pouvoir par le PQ, en 1976, le gouvernement du PLQ, avec Robert Bourasse en tête, n’avait conservé le pouvoir que durant deux courts mandats de trois années, secoué qu’il était par les crises — Octobre 70 et la Loi sur les mesures de guerre — et les scandales de toute sorte, celui de la viande avariée au premier plan.
Donc, si la tendance se maintient, le trône québécois verra de près une nouvelle paire de fesses dans les prochains mois. Bonne nouvelle, surtout pour ceux — ils sont légion et j’en suis — qui n’en peuvent plus de Jean Charest et de ses manières de gouverner.

Le Québec rejoindra vraisemblablement quatre autres provinces ou territoires du Canada — le temps qu’il en fait toujours partie! — qui ont élu des femmes Premières ministres. Avec son expérience au pouvoir comme ministre de la Santé, de l’Éducation, des Finances et présidente du Conseil du Trésor, les capacités à diriger le Québec de Pauline Marois ne font pas trop douter. Elle pourra, en plus, surfer un certain temps sur la vague d’insatisfaction soulevée par le gouvernement Charest, jusqu’à ce qu’elle s’échoue sur la côte…

La partie s’annonce toutefois difficile pour celle qu’on appelle maintenant la dame de béton, sur la question de la souveraineté du Québec. Alors que les conservateurs de Stephen Harper construisent semaine après semaine un Canada qui devient de plus en plus contraire aux valeurs et aux aspirations des Québécois, il sera très intéressant de voir si madame Marois profitera de la situation pour faire progresser l’option souverainiste et comment, le cas échéant, elle préparera le terrain de l’affrontement politique avec le fédéral. Ceux qui étaient ses adversaires acharnés en raison de sa mollesse et qui tendent à revenir dans les rangs péquistes — sage décision — ne devraient pas la laisser manquer ce bateau, qui ne repassera pas de sitôt.

Comme des enfants ?

Par Jacques Bérubé

Je n’aime pas dire que des adultes agissent comme des enfants parce que les enfants ont souvent plus d’intelligence et d’humanité dans leur façon d’être que bien des adultes. Mais des enfants, en groupe surtout, ça peut aussi être très con. Méchant, revanchard et borné. En fait, comme chantait Paul Piché, les enfants, au fond, ça peut faire tout ce qu’on leur apprend.

L’histoire des appels frauduleux — 31 000 plaintes au Directeur d’Élections Canada — est à ce point en train de coincer les conservateurs, qu’ils en sont maintenant réduits à répliquer que ce sont ceux qui ont été victimes de ces basses manœuvres électorales, les libéraux, qui ont fait ces appels. « Celui qui l’dit, c’est lui qui l’est ! »

Les conservateurs réclament maintenant que les libéraux rendent publics leurs relevés d’appels téléphoniques pour la période où ont eu lieu les appels frauduleux. Mais vous pensez bien qu’il n’est pas question pour eux de fournir les leurs, parce qu’ils n’ont rien à se reprocher. Ils jurent qu’ils n’ont pas fait ces appels et les bons chrétiens, ça ne jure pas pour rien, de peur de brûler en enfer…

Certains conservateurs en viennent même qu’à prétendre qu’Élections Canada pourrait avoir fait tous ces appels et avoir fourni par erreur des mauvaises informations aux électeurs. En autant, bien sûr, que ces électeurs ne soient pas de bons conservateurs…

Dans quelques jours, ce sera Scott Gomez qui sera à la base de tout cela.

Bon, il faudra bien que je trouve un autre titre pour coiffer cet article, parce que, après tout, soyons justes, les enfants ont assez de jugement pour ne pas essayer de nous servir un tel tissu de mensonges.

Excusez-moi, les enfants!